- Heïdi Sevestre et Matthieu Tordeur se lancent, ce mercredi, dans leur grande aventure polaire « Under Antarctica ».
- La glaciologue et l’explorateur vont sillonner le Continent Blanc durant trois mois, jusqu’en janvier 2026.
- Avec un but : étudier en profondeur les glaces pour mieux comprendre l’impact du changement climatique sur le continent.
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« On ne sensibilise jamais aussi bien que par l’émotion »
. En une phrase, Matthieu Tordeur, explorateur, résume l’essence du pari un peu fou qu’il s’apprête à relever avec la glaciologue Heïdi Sevestre. Les deux Français débutent, mercredi 29 octobre si les conditions le permettent, une aventure digne des plus grands explorateurs, en traversant, d’est en ouest, et uniquement à la force du vent, l’Antarctique. Une aventure, mais surtout une mission scientifique pour sensibiliser sur la fonte des glaces dans cette région reculée du monde et tenter de lever l’un « des plus gros mystères scientifiques »
du Continent Blanc.
200 kg traînés en « kite-ski »
« Ce n’est pas une aventure scientifique qui se fait de façon traditionnelle. On va devoir traîner environ 200 kg de matériel chacun »
grâce à des pulkas, sorte de traîneaux, décrit Heïdi Sevestre depuis l’Afrique du Sud, où le duo affine les derniers détails avant le grand départ de la mission « Under Antarctica » (nouvelle fenêtre). Car les deux aventuriers vont se retrouver, durant les longues semaines de leur périple, en totale autonomie. Et le pari est de taille : s’ils partent durant l’été antarctique – la saison la plus « douce » dans la région – ils vont devoir affronter des températures pouvant aller jusqu’à -50°C, des vents violents, des tempêtes et le dénivelé sur un continent où il n’est pas rare de se retrouver à plus de 3.000 mètres d’altitude.
Le tout, durant 4.000 km qui les emmèneront de Novolazarevskaya à Union Glacier, où ils pourront dormir dans une base américaine, l’une des rares nuits où ils pourront profiter d’un abri en dur, en passant par le « Pôle Sud d’inaccessibilité », sorte de « point Némo » de l’Antarctique ou encore le « Pôle Sud géographique ».

Un trajet qu’ils effectueront en « kite-ski », leur permettant de se déplacer uniquement à la force du vent et d’atteindre des endroits normalement inaccessibles aux explorations scientifiques plus traditionnelles qui se déplacent le plus souvent en dameuses ou scooters des neiges. « Avec nos kite, on peut évoluer de manière agile avec un impact sur l’environnement moindre »,
pointe ainsi Matthieu Tordeur.
Lever le mystère de glaces vieilles de 130.000 ans
Durant ce périple, les deux aventuriers vont récolter des données, grâce à des radars à pénétration de sol qu’ils vont tracter dans leurs pulkas. Avec deux missions scientifiques bien précises. La première consiste à étudier la glace profonde en Antarctique de l’Ouest, située entre deux et trois kilomètres de profondeur. Pourquoi ? Parce que cette glace est âgée d’environ 130.000 ans, une époque cruciale pour comprendre l’impact du changement climatique demain.
« Il y a 130.000 ans, il s’est passé un truc de dingue sur Terre, naturellement, à cette époque, la température a augmenté de +3°C, ce qui est à peu près ce qui nous attend d’ici à la fin du siècle à cause du changement climatique et cette fois de façon plus du tout naturelle,
explique Heïdi Sevestre. On va donc regarder comment ces glaces profondes ont réagi à l’époque ».

La région s’est-elle totalement effondrée il y a 130.000 ans ? C’est la réponse à laquelle l’expédition veut répondre. Si ses radars retrouvent de la glace plus ancienne, cela pourra permettre de déterminer que la calotte a survécu à cette période chaude. Sinon, cela confirmerait un effondrement passé. Et l’enjeu est de taille. Si les glaces en Antarctique de l’Ouest venaient à fondre, elles pourraient engendrer une hausse du niveau des mers de quatre à cinq mètres (nouvelle fenêtre), bouleversant les littoraux où vivent 700 millions de personnes. « Savoir ce qui nous attend nous permettrait de mieux anticiper cette élévation et de mieux ajuster nos modèles »,
détaille la glaciologue.
L’autre enjeu scientifique est d’étudier des zones moins profondes de la calotte glaciaire pour tenter de mieux comprendre le bouleversement des précipitations en Antarctique en raison du changement climatique. « Avec le réchauffement, on observe une augmentation des précipitations sur les hauts reliefs »
du continent, détaille Matthieu Tordeur. « La question c’est : est-ce que ces nouvelles précipitations permettent de contrebalancer les pertes de glace ou de neige à la périphérie ? Il nous manque des informations sur ces questions, car les scientifiques ont peu l’occasion de se rendre sur ces hauts plateaux »,
pointe l’explorateur.
Embarquer les plus jeunes
Une aventure à la fois scientifique et humaine dans laquelle Heïdi Sevestre et Matthieu Tordeur veulent embarquer le plus grand nombre. « Avec cette mission, on veut communiquer sur l’importance
d’avoir des données sur les milieux polaires
et on veut redonner de l’importance à la science »,
détaille la glaciologue qui estime qu’en « la couplant avec l’aventure, on peut la mettre en avant, attiser la curiosité et redonner confiance »
. « Les gens se raccrochent assez facilement aux grandes épopées et aventures humaines »,
abonde son partenaire d’aventure qui met en avant, aussi, la création d’un programme « pédagogique et éducatif ».

Tous les 10 jours, en plus de permettre de suivre leur aventure sur leur site et leurs réseaux sociaux, le duo publiera des carnets pédagogiques sur l’Antarctique à destination des écoles du monde entier (nouvelle fenêtre) accompagnés de moments d’échanges en visio pour faire découvrir ces terres reculées aux plus jeunes, alors qu’un documentaire naîtra également de cette aventure un peu folle. « Les jeunes générations sont pleines d’éco-anxiété, ce sont des sujets qui ne sont pas faciles à aborder, nous, on veut montrer qu’il y a des gens qui se bougent dans cette belle communauté scientifique »,
met en avant Heïdi Sevestre.
Un véritable challenge pour ces deux passionnés qui peaufinent les derniers détails de leur grande aventure. Ils prévoient ainsi une arrivée à Union Glacier en janvier 2026. De longues semaines durant lesquelles ils devront braver des conditions extrêmes pour faire découvrir et sensibiliser sur l’une des terres les plus reculées de la planète et pourtant l’une des plus cruciales pour notre avenir.








