L’œuvre se nomme La Cité des ombres et date de 2022. Elle est née d’un rêve douloureux fait par Anne Poirier. Sur un grand ovale de laine blanche repose la maquette d’une cité onirique. Ces éléments sont blancs, eux aussi, en faïence. Leur disposition fait songer à une coupe du cerveau humain, thème fréquent chez les Poirier. Les visions d’architecture le sont aussi, depuis les années 1970, mais, jusqu’ici, elles étaient ocre ou noires. Les formes aussi sont différentes, avec de nombreux cônes et coupoles. Les artistes disent s’être souvenus de la nécropole étrusque de Cerveteri. Mais on peut penser à d’autres références, dont la nouvelle Les Montagnes hallucinées (1936), de Lovecraft.
Telle est la force du travail des Poirier : s’il se fonde sur une connaissance précise et directe de l’archéologie méditerranéenne, il la déborde et développe des symboliques universelles. Avoir accroché autour de La Cité des ombres des estampages en papier japon d’inscriptions funéraires relevées dans les ruines d’Ostia Antica dans les années 1970 rend visibles à la fois la continuité de leur création et leur capacité à renouveler son expression. Témoigne aussi de ces deux qualités une anthologie de travaux anciens, dont plusieurs à motifs botaniques, d’un herbier des ruines de la Domus aurea, de 1975, à des variations récentes sur la fragilité de la nature.
« Anne et Patrick Poirier. 56e campagne de fouilles, 1968-2024 ». Galerie Mitterrand, 79, rue du Temple, Paris 3e. Jusqu’au 18 janvier 2025, du mardi au samedi, de 11 heures à 19 heures.