Il y a un an, le Sinn Fein, parti pro-réunification de l’île d’Irlande, était encore à 30 % d’opinions favorables et rêvait d’accéder au pouvoir en République d’Irlande pour la première fois de son histoire. Cette perspective était d’autant plus enthousiasmante pour sa charismatique cheffe de file, Mary Lou McDonald, que le mouvement, ex-bras politique de l’Armée républicaine irlandaise (considérée comme terroriste par les Britanniques), venait de gagner les élections régionales en Irlande du Nord (faisant toujours partie du Royaume-Uni). Pourtant, à deux jours des élections générales en République d’Irlande, vendredi 29 novembre, plus grand monde ne croit à une victoire du Sinn Fein, tant sa cote de popularité s’est dégonflée : elle plafonne à 20 %.
Pourquoi un tel revers de fortune ? En février 2020, le Sinn Fein avait créé la surprise en arrivant en tête des élections parlementaires. Ce parti était jusqu’alors considéré comme toxique, surtout par les Irlandais ayant grandi avec la guerre civile nord-irlandaise (1968-1998). Mais les jeunes électeurs ont plébiscité son programme très social-démocrate. Le Sinn Fein n’a cependant pas réussi à former une coalition à gauche et ce sont les deux partis traditionnels de gouvernement, le Fine Gael, libéral de centre droit, et le Fianna Fail, légèrement plus à gauche, qui se sont partagé le pouvoir.
Cet attelage, d’abord considéré comme contre-nature (Fine Gael et Fianna Fail sont issus de formations opposées pendant la guerre civile des années 1920), a tenu quatre ans. Après quatorze ans au gouvernement, Fine Gael a même réussi à se renouveler, après la démission surprise de son chef de file et premier ministre Leo Varadkar, en avril. Il a été remplacé par Simon Harris, 38 ans, un ex-ministre de la justice et de la santé, omniprésent sur les réseaux sociaux – les médias irlandais l’ont baptisé le taoiseach (« chef du gouvernement ») TikTok. « Le courant entre les électeurs et Leo Varadkar ne passait plus, il ne donnait pas l’impression de s’intéresser à eux. Simon Harris est beaucoup plus authentique », estime Gary Murphy, politiste à la Dublin City University.
Des excédents publics considérables
La coalition sortante bénéficie aussi d’une situation économique inédite en Europe, avec une croissance attendue de 4 % en 2025 et des excédents publics considérables (4,4 % du produit intérieur brut). Ces performances sont en grande partie dues aux recettes de l’impôt sur les bénéfices d’une poignée de multinationales américaines (Apple, Google), qui ont choisi l’Irlande pour son taux d’imposition sur les sociétés à 12,5 %.
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