Après une offensive éclair, les djihadistes et leurs alliés ont pénétré ce vendredi dans Alep.
Les combats ont fait plus de 255 morts selon une ONG, du jamais-vu depuis 2020 dans le nord-ouest de la Syrie.
Un camouflet pour Damas, mais aussi l’Iran et la Russie, ses deux alliés.
La Syrie renoue avec ses vieux démons. Pour la première fois depuis 2020, des combats intenses se déroulent dans la région d’Alep entre les forces du régime et les djihadistes. Ces derniers ont lancé mercredi une vaste offensive qui leur a permis, ce vendredi, de pénétrer dans plusieurs quartiers de la grande ville du nord. Comment expliquer cette nouvelle crise sécuritaire ?
Une offensive fulgurante
Les affrontements ont débuté mercredi. À la manœuvre, le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS). Ce dernier est dirigé par Abou Mohammad al-Jolani, qui s’est affranchi d’Al-Qaïda, affirmant avoir mis au ban ses membres les plus extrémistes. Depuis la ville d’Idleb, située au nord-ouest, le HTS – associé à des formations alliées, certaines proches de la Turquie qui n’est qu’à une vingtaine de kilomètres – a fait route sur Alep, à une soixantaine de kilomètres.
Après avoir conquis une cinquantaine de localités en 48 heures, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), ils sont parvenus vendredi aux portes de la ville « après avoir mené deux attentats-suicide avec des voitures piégées ». L’armée syrienne, qui a déployé des renforts à Alep, selon un responsable de la sécurité, a assuré avoir repoussé « la grande offensive des groupes terroristes » et regagné plusieurs positions. La Russie, allié de Damas, a intensifié les frappes aériennes pour soutenir le régime. En vain : selon l’OSDH, les combats se sont néanmoins propagés à la ville stratégique de Saraqeb, tenue par le régime et située au sud d’Alep, à l’intersection de deux autoroutes.
Un lourd bilan
Les combats ont fait plus de 255 morts, selon l’OSDH. Le Bureau des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha) a, lui, indiqué que « plus de 14.000 personnes, dont près de la moitié sont des enfants, ont été déplacées » par les violences.
Pourquoi maintenant ?
Pour des raisons stratégiques : le HTS, qui contrôle des pans de la province d’Idleb, mais aussi des territoires voisins dans les régions d’Alep, Hama et Lattaquié, aurait voulu court-circuiter Damas. L’analyste Nick Heras, du New Lines Institute for Strategy and Policy, a estimé que les rebelles « ont tenté d’anticiper la possibilité d’une campagne militaire syrienne dans la région d’Alep, que préparaient les frappes aériennes des gouvernements russe et syrien ».
Dans une conférence de presse, le chef du « gouvernement » autoproclamé à Idleb, Mohammad Al-Bachir, a, lui, affirmé que l’offensive avait été lancée « car le régime criminel avait massé des forces sur les lignes de front et commencé à bombarder les zones civiles, ce qui a provoqué l’exode de dizaines de milliers de civils. »
Du jamais-vu depuis 2020
Le régime syrien a repris en 2015 le contrôle d’une grande partie du pays avec l’appui de ses alliés russes et iraniens. Le nord du pays, lui, bénéficiait ces dernières années d’un calme précaire rendu possible par un cessez-le-feu instauré après une offensive du régime en mars 2020. La trêve a été parrainée par Moscou avec la Turquie (qui soutient certains groupes rebelles syriens à sa frontière).
Autre soutien indéfectible du président Bachar Al-Assad : l’Iran, qui a réitéré vendredi son « soutien continu » à la Syrie face à cette offensive. Téhéran s’est d’ailleurs engagé militairement avec l’envoi de conseillers, à la demande des autorités locales, pour soutenir le président Assad durant la guerre civile.
Pour l’OSDH, la facilité avec laquelle les djihadistes ont pu pénétrer dans des quartiers d’Alep pose question. « Il est étrange de voir les forces du régime recevoir de tels coups malgré la couverture aérienne russe (…) Les forces du régime étaient-elles dépendantes du Hezbollah, qui est actuellement occupé au Liban ? », s’est demandé le patron de l’ONG Rami Abdel Rahmane, en référence à la guerre entre Israël et le mouvement libanais, allié de Damas, qui a pris fin cette semaine.
Un pays en crise
Selon l’ONU, 16,7 millions de personnes en Syrie ont besoin d’assistance humanitaire ou de protection , un record depuis 2011. Parmi elles figurent près de 7,5 millions d’enfants, d’après l’Unicef.
Les sanctions occidentales sont venues aggraver une crise économique due à la guerre qui a ravagé les infrastructures du pays où 90% de la population vivent sous le seuil de pauvreté.