- Une entreprise américaine veut refléter les rayons du soleil grâce à des satellites pour éclairer la Terre pendant la nuit.
- Elle prévoit de vendre ses rayons du soleil pour éclairer des fermes solaires, mais aussi aux particuliers.
- Auprès de TF1 Info, deux scientifiques dénoncent un projet inefficace, pollueur et à rebours des enjeux actuels.
Le projet du « soleil en pleine nuit » est très loin de faire l’unanimité. Aux États-Unis, l’entreprise Reflect Orbital planche sur un projet bien précis : refléter la lumière du soleil sur la Terre, pour qu’il puisse faire jour en même temps à des endroits opposés du globe. Pour cela, l’entreprise travaille sur des satellites, dans lesquels seraient intégrés des miroirs géants : ceux-ci pourraient alors être positionnés afin de refléter la lumière du soleil sur certains endroits précis de la Terre.
Un projet encore bien loin d’être abouti, et qui a pour vocation de commercialiser ces rayons de soleil non seulement aux autorités publiques (pour faire durer la nuit pendant des opérations militaires, cite par exemple le site de l’entreprise), aux entreprises privées (comme dans le cadre de l’agriculture), mais aussi aux particuliers. Sur son site Internet illustré à l’IA, Reflect Orbital promet de transformer l’événementiel
: « Conçus pour les organisateurs d’événements, les grandes marques et les visionnaires qui souhaitent apporter une touche d’originalité à leurs activités, nos éclairages programmés constituent une alternative, ou un complément, à l’éclairage et aux divertissements traditionnels. »
Rythme de vie du vivant et pollution lumineuse
De quoi hérisser le poil de Samuel Challéat, chercheur au CNRS au sein de l’Observatoire de l’environnement nocturne. Contacté par TF1 Info, le géographe de l’environnement explique son malaise face à ce projet : « S’il venait à aboutir, il y aurait des impacts phénoménaux sur l’environnement, notamment la faune et la flore. »
Le chercheur rappelle que l’ensemble du vivant a besoin d’obscurité, et que refléter des rayons du soleil sur la planète ne ferait qu’empirer la problématique, déjà actuelle, de la pollution lumineuse. Il est rejoint sur ce point par Sébastien Vauclair, docteur en astrophysique à la tête de l’entreprise DarkSkyLab, un bureau d’étude consacré à la pollution lumineuse. Pour lui, pas de doute : « C’est une énorme idiotie, un projet techniquement infaisable, pas finançable, une idée délirante qui met à mal plein de choses, de la
santé à la biodiversité
. »
Les deux spécialistes posent le même diagnostic : si le projet venait à aboutir, ce qui n’est pour l’instant pas donné, la faune et la flore seraient immédiatement touchées. « L’ensemble du vivant a besoin d’obscurité, de moments obscurs, pour différentes choses, mais surtout pour le repos »
, explique Samuel Challéat. Le spécialiste de l’environnement nocturne cite, entre autres, la nécessité d’obscurité pour sécréter des hormones pour certaines espèces, ou pour chasser sans faire face à une sur-prédation pour d’autres. Côté plantes également, il souligne la nécessité du rythme chronobiologique des végétaux, notamment pour la photosynthèse. « Tout notre écosystème est organisé en niches écologiques, dans lesquelles la temporalité et la distribution des créneaux sont cruciales »
, résume-t-il.
C’est une question de bêtise humaine : comment peut-on en venir à cela ?
C’est une question de bêtise humaine : comment peut-on en venir à cela ?
Sébastien Vauclair, patron d’une entreprise d’étude de pollution lumineuse
Comme lui, Sébastien Vauclair rappelle que la pollution lumineuse, actuellement causée par l’éclairage nocturne artificiel, est déjà « une cause de disparition de la biodiversité, au même titre que les
pesticides
«
. Lui et son confrère évoquent la diminution de la pollinisation nocturne, effectuée, entre autres, par les papillons de nuit, qui sont particulièrement sensibles à la pollution lumineuse.
Les deux scientifiques sont sans appel : une telle innovation serait désastreuse pour l’environnement. Ils mentionnent tous deux la question de la surenchère à l’innovation et de son impact sur l’environnement et la santé. « C’est une question de bêtise humaine : comment peut-on en venir à cela ? »
, demande Sébastien Vauclair, « L’idée ne date pas d’hier d’ailleurs, il y a plus de trente ans, les Russes voulaient déjà éclairer Moscou avec un satellite-miroir, mais ça n’a pas marché, comme ce projet ne marchera pas. »
Pour les deux spécialistes, ce genre de projet devrait être remis en question : « Nous savons les effets écologiques et sanitaires de ces manipulations, alors est-ce qu’on part dans cette direction ou plutôt dans celle d’une décroissance et d’une sobriété énergétique ? »
, demande Samuel Challéat.








