C’est une fin de vie qui divise les juges autant que les médecins. Chabane Teboul, 64 ans, hospitalisé en service de réanimation à l’Institut Gustave-Roussy (IGR), à Villejuif (Val-de-Marne), depuis la mi-août, est atteint de lésions cérébrales, liées à deux arrêts cardiaques, qui l’ont privé de toute autonomie et de sa faculté à s’exprimer.
Fin août, sa famille avait saisi le tribunal administratif de Melun pour faire obstacle à l’interruption de ses traitements, prévue par l’IGR, qui envisageait d’endormir le patient jusqu’à son décès. Le 30 septembre, l’instance avait suspendu la décision de l’hôpital.
Lundi 3 novembre, le Conseil d’Etat, en revanche, a donné raison à l’équipe médicale de réanimation. Les juges du Palais-Royal considèrent que le recours à une assistance à la respiration de Chabane Teboul relève de l’« obstination déraisonnable », dès lors qu’il n’existe aucun espoir qu’il retrouve ses capacités cérébrales et que la dégradation de son état de santé, liée à un cancer de la gorge traité mais désormais incurable, est « irréversible ».
Selon la loi Leonetti de 2005, l’« obstination déraisonnable » peut être invoquée par des médecins pour suspendre des soins « lorsqu’ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n’ayant d’autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ».
« Faible réactivité »
Le Conseil d’Etat s’est prononcé après avoir été saisi par l’IGR, résolu à faire appel de l’ordonnance du tribunal de Melun qui avait donné gain de cause à Henia Teboul, la fille aînée du patient. L’ordonnance du Conseil d’Etat prend l’exact contrepied de celle du tribunal administratif : la divergence entre les deux instances porte sur l’état neurologique du patient, sujet sur lequel les médecins eux-mêmes divergent.
Le tribunal administratif de Melun a fondé son refus de l’arrêt des traitements sur le rapport d’un neurologue et d’un anesthésiste-réanimateur extérieurs à l’institut. Les deux médecins, désignés par les juges, avaient constaté, mi-septembre, que M. Teboul « tourn[ait] la tête de manière adaptée du côté de sa fille lorsqu’elle le stimul[ait], ce qui témoigne d’une réactivité minimale ». « Cette faible réactivité, concluaient les deux praticiens, ne permet pas d’autoriser une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès après extubation telle qu’envisagée. »
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