Marine Le Pen peut se réjouir : son parti connaît une dynamique politique sans précédent. Avec plus de 31 % des voix aux élections européennes, le double du score de la liste macroniste, la liste menée par Jordan Bardella a obtenu trente députés, devenant la plus grande délégation au Parlement européen.
Le président du Rassemblement national (RN) a ainsi pris la tête du groupe des Patriotes pour l’Europe fondé par Viktor Orban, le troisième en nombre de députés. Aux législatives, avec un score de 29 % au premier tour puis de 32 % au second, malgré le front républicain mis en place par ses adversaires, le parti est parvenu à envoyer 126 élus à l’Assemblée nationale, devenant le premier groupe politique au Palais-Bourbon. Si l’on y ajoute ses alliés Républicains (LR) menés par Eric Ciotti, ils représentent désormais 143 sièges.
Parallèlement, l’image du RN s’est considérablement améliorée, comme l’atteste le Baromètre d’image qui la scrute depuis 1983. Cela tient à la stratégie de normalisation menée par Marine Le Pen, à son habileté à se poser en rempart de la démocratie et de la laïcité face à l’islamisme radical, mais aussi à la complaisance de la droite macroniste et LR envers ses idées, et à l’effet repoussoir exercé par la radicalisation de Jean-Luc Mélenchon et de son mouvement, La France insoumise (LFI).
Chantage attendu
Fin juillet, dans la vaste enquête postélectorale menée par Ipsos pour Le Monde, le Centre de recherches politiques de Sciences Po, l’Institut Montaigne et la Fondation Jean Jaurès, 69 % des sondés voyaient en LFI un parti dangereux pour la démocratie, contre 53 % pour le RN, 72 % un parti qui attise la violence (contre 53 %), et un quart seulement un parti « injustement diabolisé », contre presque un sur deux s’agissant du RN (48 %). Quant aux provocations frôlant l’antisémitisme de Jean-Luc Mélenchon, elles ont aidé Marine Le Pen à se poser comme la protectrice des juifs de France, faisant oublier les origines sulfureuses du parti et l’antisémitisme viscéral de son père, y compris au sein d’une partie de l’électorat juif.
La crise politique ouverte depuis la dissolution décidée par Emmanuel Macron marque une nouvelle étape de sa dédiabolisation, en faisant du RN l’arbitre tant du choix d’un premier ministre que de sa survie à son poste. On peut s’attendre à ce que le parti lepéniste fasse du chantage sur ses terrains de prédilection, l’immigration et la sécurité, et il tiendra le sort de Michel Barnier entre ses mains.
Il ne faudrait pas pour autant surestimer son audience. La France qui vote est un miroir imparfait de la société. Les étrangers, soit 8 % de la population du pays, sont, par définition, exclus du corps électoral. Environ 6 % des Français majeurs n’ont pu voter car ils n’avaient pas fait la démarche de s’inscrire sur les listes électorales. Sur les 49,4 millions d’inscrits, près de la moitié se sont abstenus aux européennes (48,2 %), et près d’un tiers à chaque tour des législatives. En proportion de l’électorat inscrit, le score du RN tombe à 15,7 % aux européennes, 19 % au premier tour des législatives et 20,2 % au second. Il arrive certes en tête des autres partis, mais il est loin d’être majoritaire.
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