Le serpent de mer refait surface dans les eaux troubles du blocage politique et du morcellement des forces au Palais-Bourbon. Présenté comme une solution miracle face à l’inconséquence du chef de l’Etat et comme une innovation démocratique capable de faire basculer la Ve République dans l’ère du compromis, le vote à la proportionnelle a déjà été expérimenté dans notre pays et sous le régime actuel, en se cantonnant toutefois à une mise en œuvre à l’échelle départementale et non nationale.
Engagement du candidat socialiste François Mitterrand, ce mode de scrutin est en effet entré en vigueur le temps d’une journée électorale, le 16 mars 1986, à l’aube de la première cohabitation. Comble de notre histoire politique et parlementaire, le premier ministre Jacques Chirac s’est empressé de rétablir le scrutin majoritaire, à l’aide de l’article 49.3 de la Constitution, et donc sans le vote des députés eux-mêmes élus au scrutin proportionnel. Fin tragique pour cette mesure censée revaloriser le parlementarisme.
Une durée de vie furtive, un retour annoncé mais jamais concrétisé, un pouvoir législatif affaibli par la présidentialisation du régime : c’est dans ce paysage en manque de solutions que se dessine aujourd’hui la réapparition hésitante du vote à la proportionnelle. Si ce sempiternel débat ne parvient pas à générer un changement effectif de mode de scrutin pour les législatives, c’est probablement parce que l’on oublie de parler de l’essentiel : l’avenir que nous souhaitons offrir à la démocratie de proximité. La place des élus locaux dans tout cela ? Une question à peine murmurée sur les plateaux de télévision à laquelle il est pourtant fondamental d’apporter une réponse.
Mécanismes de compensation
Le risque d’étiolement du lien entre le député et le citoyen en circonscription figure, à raison, parmi les principaux arguments défendus par les partisans du statu quo. Avec le scrutin proportionnel intégral, nous ne voterions plus pour un candidat attaché à sa circonscription mais pour une liste de candidats établie à l’échelle nationale. Les partis politiques auraient alors intérêt à privilégier des personnalités identifiées médiatiquement et bien introduites dans leurs cercles, au détriment de candidats issus de départements qui pèsent le moins électoralement.
Pourtant, rêver d’une réforme en profondeur qui replacerait la proximité et l’ancrage des élus au cœur du projet républicain n’est pas totalement interdit, à condition d’aller au-delà de la seule évolution de l’élection législative. Sans renforcement du pouvoir des élus locaux et du Sénat, l’instauration de ce mode de scrutin risquerait même d’accentuer la crise démocratique. Hors de question, bien entendu, d’avancer pour mieux régresser en rouvrant le débat, lui aussi récurrent, sur le cumul des mandats dont les interdictions ont été progressivement et bien heureusement renforcées.
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