L’exécutif à Paris le promet, la France jouera la carte de la « transparence » pour accueillir une mission de ses voisins du Pacifique sur la crise en Nouvelle-Calédonie. Aux îles Tonga, où se tenait fin août la réunion des chefs d’Etat du Forum des îles du Pacifique (FIP), trois jours de discussions ont permis d’aplanir des différends sur cette mission « d’observation et de dialogue » souhaitée par le Forum et le gouvernement local de Nouvelle-Calédonie et qui pourrait avoir lieu mi-octobre. Elle sera de haut niveau, conduite par une « troïka + », soit les chefs de gouvernement des îles Cook, Salomon et Tonga, auxquels se joindra le premier ministre fidjien, Sitiveni Rabuka.
Le sujet illustre le jeu, peu codifié par les textes mais très clivé, d’une compétence partagée en matière de relations extérieures, entre un gouvernement néo-calédonien collégial et autonome, et l’Etat, incarné par le haut-commissaire. Chacun défend jalousement ses prérogatives et la mission s’annonce délicate. La Nouvelle-Calédonie est membre à part entière du FIP depuis 2016, comme la Polynésie française, mais elle n’en reste pas moins un territoire français. Et si la France n’est que « partenaire de dialogue » du FIP, tout ce qui concerne le séjour d’étrangers sur son sol, a fortiori des chefs de gouvernement, lui revient.
« La diplomatie française travaille mal avec l’ensemble des pays de la région, a estimé vendredi 13 septembre Louis Mapou, le président du gouvernement néo-calédonien. Une mission de quatre premiers ministres, c’est d’un niveau jamais vu en nouvelle-Calédonie, or, lorsqu’ils écrivent au président de la République, c’est l’ambassadrice dans le Pacifique qui répond. Et lorsqu’elle écrit, il n’y a aucune mention de la Nouvelle-Calédonie. Pour la famille du forum, c’est la Nouvelle-Calédonie qui est légitime, pas la France. »
Jusqu’ici, cette dualité n’avait guère posé de problème, mais la crise violente que traverse l’archipel du Pacifique Sud depuis le 13 mai, date du début des émeutes, a rebattu les cartes. Le FIP réunit 18 Etats récemment indépendants et le combat pour la souveraineté de la Nouvelle-Calédonie y est partagé. Si certains de ses dirigeants ne masquent pas leurs critiques sur tel ou tel leader du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), la crise a convaincu le groupe qu’il faut aller au bout de l’indépendance. Il devient fort compliqué pour la France de délivrer un message dans ce cadre.
Un sujet parmi d’autres pour la France
Ces dernières années, tandis que les indépendantistes néo-calédoniens investissaient le Groupe Fer de lance mélanésien pour faire avancer leur cause, les non-indépendantistes n’ont, à l’inverse, guère mené de travail de persuasion dans la région – ce qu’ils peuvent encore moins faire à chaud, dans la crise. « Les Etats du FIP ont le sentiment que la stratégie Indo-Pacifique de la France est un moyen de réaffirmer son empreinte », ajoute un diplomate, sous le couvert de l’anonymat. Le grand partenaire australien reste, en outre, ambivalent sur le dossier néo-calédonien : afficher une trop pleine solidarité avec la France l’expose à la critique de soutenir la militarisation de la région, un sujet sensible.
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