Le 24 novembre, la pluie et le vent balaient l’imposante tour de télécoms de la technopole de Lannion (Côtes-d’Armor). Erigé en 1963 à la naissance de cette petite « Silicon Valley » regroupant près de 400 entreprises, l’édifice de 80 mètres, au sommet flanqué d’antennes-relais, témoigne d’une époque révolue : celle où la cité bretonne, berceau des télécoms en France, rayonnait à travers le monde grâce aux innovations de ses ingénieurs dans le téléphone, le Minitel ou les satellites. Aujourd’hui, la ville et sa technopole redoutent le pire pour l’un de ses piliers historiques, Nokia. Le fabricant d’équipements de réseaux a annoncé, le 19 novembre, un septième plan de suppression de postes dans l’Hexagone depuis le rachat d’Alcatel-Lucent, en 2016, sur fond d’investissements dans la 5G moins élevés qu’espéré.
Sur la base du volontariat, le géant finlandais compte tailler dans ses troupes françaises à hauteur de 427 employés, dont 84 à Lannion, soit un cinquième de ses effectifs dans l’Hexagone. Situé au cœur de la technopole, le site ne comptera plus que 380 salariés environ, alors qu’il en employait plus de 950 en 2016, et 2 500 en 2003. De quoi ébranler le moral de ses ingénieurs et de ses chercheurs, dont beaucoup craignent la mort à petit feu. « C’est cuit ! », déplore un ingénieur proche de la soixantaine devant l’entreprise, qui a requis l’anonymat, comme tous ceux interrogés. Après « plus de vingt-cinq ans » passés dans le groupe, il critique une stratégie visant à « désosser » progressivement le site, jusqu’à le faire « disparaître ».
Colère identique pour ce cadre de la même génération, spécialiste des services de télécoms, dépité par le « démantèlement de cet énorme savoir-faire industriel ». Dans le viseur de la réduction d’effectifs et à quelques années de la retraite, il envisage de « prendre le plan » pour profiter de ses conditions financières. « Ce n’est pas une belle façon de partir : je n’avais pas l’intention de finir ma carrière comme chômeur », se désole-t-il, lui qui n’a jamais connu qu’Alcatel puis Nokia, et s’est installé à Lannion il y a plus de vingt ans.
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