Pendant que des missiles russes survolent la ville, à l’hôpital de Pokrovsk, dans la région de Donetsk, les couloirs et les chambres sont vides. Les patients ont été transférés à Dnipro ou ailleurs en Ukraine, et le dernier chirurgien, désœuvré, est tellement triste qu’il refuse de parler. Devant l’entrée des urgences, deux infirmières confirment, en ce dimanche 1er septembre, que « c’est fini, c’est le dernier jour de l’évacuation » de l’hôpital central régional. Le soir, elles aussi seront parties.
Dans le centre-ville, devant ce qui fut le déprimant Hôtel Druzhba et des immeubles résidentiels bombardés la nuit précédente, après avoir déjà été pilonnés il y a un an, des secouristes fouillent les décombres à la recherche d’éventuels disparus que nul n’aurait signalés.
Au marché de Pokrovsk, étonnamment animé alors que l’armée russe n’est qu’à quelques kilomètres de la ville, les marchands vendent pain, fruits et conserves aux soldats qui, contrairement aux civils, ne peuvent pas évacuer la ville, et qui profitent de ce qu’il y ait encore des étals ouverts pour faire des provisions.
« Je reviendrai après la guerre »
La police de Pokrovsk patrouille dans les rues, rappelant l’ordre d’évacuation annoncé le 19 août par le gouverneur de la région de Donetsk. L’annonce est diffusée par haut-parleurs, tandis que des policiers font du porte-à-porte. Dans les faits, comme dans d’autres villes du Donbass conquises auparavant par l’armée russe, les autorités ne forcent personne à partir. Seules les familles avec enfants sont incitées par des visites quotidiennes de la police à mettre leur progéniture à l’abri. Les autres font ce que bon leur semble, au péril de leur vie.
Au centre d’évacuation installé dans une école de la ville, Svetlana (les personnes interrogées n’ont souhaité donner leur nom) vient de s’enregistrer pour prendre le train quotidien d’évacuation. Elle part « à Lviv, puis en Allemagne », la mort dans l’âme. « C’est chez moi ici, c’est l’Ukraine, mais il est impossible de vivre sous occupation russe. Je reviendrai après la guerre. »
Svetlana confirme que, comme dans d’autres villes du Donbass conquises, certains resteront. Des gens soit trop âgés pour bouger, soit sans famille ailleurs, soit ceux que les Ukrainiens appellent « ceux qui attendent… », c’est-à-dire qui, pour certains, espèrent l’arrivée de l’armée russe. Ils sont, comme à chaque fois, estimés à environ 10 % de la population. Ce sont souvent de vieux nostalgiques de l’Union soviétique. « Un collègue de la municipalité, raconte Svetlana, m’a dit l’autre jour, alors que nous nettoyions la rue près du Druzhba : “Alors toi aussi tu pars ? Tu es une traître à la Russie !” Ceux-là sont peu nombreux… »
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