L’Institut Pasteur de Dakar (IPD), qui regroupe 50 chercheurs et s’enorgueillit de jouer un rôle central dans les politiques publiques de santé en Afrique, fête cette année son centenaire. Lors de la pandémie de Covid-19, c’est vers lui que les autorités sénégalaises s’étaient tournées pour la surveillance, les diagnostics et la prévention. Plus récemment, en août, c’est de nouveau l’IPD qui a accompagné la politique publique de surveillance lorsque la mpox est apparue en Afrique centrale, accueillant des professionnels de santé de 17 pays pour des formations sur le séquençage et l’analyse du virus. Dans un entretien au Monde, son directeur, le virologue Amadou Sall, revient sur les grands défis sanitaires qui se posent au continent.
Vous êtes spécialiste des arbovirus, des maladies dont certains affirment qu’elles sont accélérées par les changements environnementaux et climatiques. Pensez-vous aussi cela ?
Les dynamiques des arbovirus, transmis par les mouches, les moustiques ou les tiques, et d’autres fièvres hémorragiques comme la fièvre de Lassa, transmises par un rongeur, ont à voir avec l’activité humaine et ses effets sur l’environnement. La déforestation favorise par exemple des contacts entre des animaux, comme les chauves-souris, et les hommes. Elle accélère et transforme les cycles de transmission des maladies. Elle est aussi vue par beaucoup de chercheurs comme une cause de l’épidémie Ebola.
En Afrique et ailleurs, les moustiques tuent. Peut-on envisager malgré tout de vivre avec eux ?
Les moustiques représentent indéniablement un danger. C’est l’animal qui tue le plus l’homme. Mais nous savons aussi qu’ils ont une place dans les écosystèmes et que leur disparition complète, si elle était seulement possible, n’est peut-être pas souhaitable. Les stratégies qui pariaient sur les insecticides pour en tuer le plus possible sont reconsidérées, d’autant plus que les moustiques mutent parfois pour s’y adapter.
A l’IPD, on étudie les moustiques de près. On teste leur sensibilité, on observe leurs comportements. Un de nos axes de recherche, ce sont les solutions biologiques. Avec d’autres laboratoires dans le monde, nous travaillons sur la possibilité d’injecter une bactérie au moustique qui l’empêche de transmettre la maladie. Il ne s’agit plus de tuer le moustique, mais de le transformer.
Lors de la flambée de mpox, en août, des discours complotistes sont apparus sur les réseaux sociaux en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest. Comment faut-il réagir à ces discours lorsqu’on élabore des politiques de santé publique ?
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