« Laissez donc retomber la poussière ». Le 10 juillet, au lendemain de l’échec du Rassemblement national (RN) aux élections législatives, Marine Le Pen interdisait à ses troupes d’évoquer la moindre « défaite », leur intimant de ne pas épancher leur déception devant les micros. L’été est passé, la poussière retombée : l’heure du grand nettoyage a sonné dans les rangs du parti d’extrême droite.
Deux mois après une campagne gangrenée par des dizaines de candidats xénophobes, racistes, antisémites, ou largement incompétents, la réorganisation de l’ex-Front national (FN) vire à la purge. Le mouvement, via sa commission des conflits, a lancé lundi 9 septembre une revue de ses représentants les plus compromettants. Une trentaine de militants sont concernés par une convocation au siège du RN, certains plus éminents que les autres.
Sur la liste des personnes sous le couperet d’une sanction figurent ainsi le député de l’Yonne Daniel Grenon, envoyé chez les non-inscrits après avoir déclaré à L’Yonne Républicaine, dans l’entre-deux tours du scrutin des 30 juin et 7 juillet, que « les Maghrébins n’ont pas leur place dans les hauts lieux ». Ou encore Sophie Dumont, collaboratrice du groupe à l’Assemblée nationale appréciée de Marine Le Pen, dont des tweets aux relents antisémites et transphobes ont été exhumés lors du scrutin. Une dizaine de candidats aux législatives sont menacés, titulaires ou suppléants.
L’obsession d’une nouvelle dissolution en 2025
Le prononcé d’une sanction (avertissement, suspension, exclusion) reviendra au président du RN, Jordan Bardella ; la tradition étant de suivre l’avis de la commission des conflits. Certaines « brebis galeuses », nom donné par l’eurodéputé lui-même à ses candidats épinglés, n’ont pas attendu la sentence pour être discrètement écartées. Marie-Christine Parolin, en lice dans l’Aveyron, a quitté, début juillet, les rangs du RN au conseil régional d’Occitanie : elle avait, dans un débat organisé par la radio locale CFM, répondu par l’affirmative à un adversaire l’accusant de vouloir remplacer la devise républicaine (« Liberté, égalité, fraternité ») par celle du régime de Vichy (« Travail, famille, patrie »).
Même sort au conseil régional du Grand-Est pour Laurent Gnaedig, candidat dans le Haut-Rhin, qui a considéré sur BFM Alsace que le « point de détail de l’histoire de la seconde guerre mondiale » de Jean-Marie Le Pen n’était pas « une remarque antisémite » mais « une erreur de communication ».
Obsédé par la perspective d’une nouvelle dissolution en 2025, et la nécessité d’aligner des représentants plus dignes du parti de gouvernement qu’il se prétend être, le RN compte non seulement punir les fautifs, mais réformer son organisation. La verticalité teintée d’autoritarisme qui structure le parti, imposée depuis Jean-Marie Le Pen pour empêcher l’émergence d’une baronnie locale ou d’une ligne idéologique dissidente, est jugée responsable des défaillances du dernier casting. « Le RN a toujours été un mouvement très concentré dans son organisation. Tout provient du siège, pour le siège et par le siège. Ce dispositif n’est plus possible face à la crise de croissance électorale que nous traversons », jugeait Marine Le Pen mi-juillet dans un entretien à l’hebdomadaire d’extrême droite Valeurs. Plus qu’un simple aggiornamento, la députée du Pas-de-Calais réclamait un « processus de déconcentration du mouvement ».
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