En ce lundi du mois d’août, un peu avant 13 heures, les premières personnes patientent devant les portes du Patro Roc-Amadour. Munies de sacs, elles attendent que la distribution alimentaire proposée par cet organisme d’entraide sociale implanté depuis soixante-quinze ans dans le quartier populaire de Limoilou, à Québec, débute.
Pendant une bonne partie de l’après-midi, un flux régulier défile : tandis qu’une dizaine de bénéficiaires attendent leur tour et se voient proposer de l’eau ou du café par les bénévoles, d’autres sont dans la partie épicerie du lieu. Avec leur chariot, ils passent de table en table, et on leur donne les produits auxquels ils ont droit, en fonction du nombre de personnes que compte leur foyer. « On est dans la bonne période, celle des récoltes et des beaux fruits et légumes du Québec. Les tables sont bien remplies et les produits diversifiés », souligne avec plaisir « M. Jacques ».
Bénévole depuis dix-huit ans au Patro Roc-Amadour, ce retraité à l’œil rieur et à la moustache bien fournie a vu le visage de la pauvreté évoluer. « Il y a encore deux-trois ans, les usagers étaient à 85 % des bénéficiaires de l’aide sociale, avec des revenus avoisinant les 800 dollars [canadiens] par mois (environ 530 euros). Aujourd’hui, on voit beaucoup de nouveaux arrivants, qui sont en attente d’un permis de travail ou qui occupent un emploi peu rémunéré. » « Il y a aussi, chaque année, une augmentation du nombre de personnes âgées, complète Mario Hébert, directeur du service d’entraide. Pour les autres, ce sont des personnes seules ou des familles nombreuses. »
Une paire de bottes d’hiver
La tendance devrait s’aggraver, au vu des résultats du sondage réalisé par Pollara Strategic Insights pour Banques alimentaires Canada, publié le 22 août, indiquant que 35 % des Canadiens éprouvent plus de difficultés financières qu’il y a trois mois. « Si cela se confirme, le réseau de banques alimentaires ne sera pas en mesure de faire face au raz de marée de personnes cherchant de l’aide, s’alarme Kirstin Beardsley, directrice de Banques alimentaires Canada. Nous n’avons pas été conçus pour soutenir le quart de la population. »
Car, selon cet organisme qui chapeaute les services des banques alimentaires dans chaque province, 25 % des Canadiens auraient un niveau de vie inférieur au seuil de pauvreté. Un pourcentage différent des 10 % évalués par Statistique Canada. Cet écart avec le taux officiel tient au choix des outils statistiques.
Ainsi, Banques alimentaires Canada s’est appuyé sur l’indice de privation matérielle, qui permet de calculer la proportion de Canadiens vivant dans la pauvreté, faute d’avoir les moyens de s’acheter deux produits essentiels ou plus. Cela concerne 30 % des jeunes de 18 à 30 ans, 44,5 % des familles monoparentales et 42 % des locataires, selon l’étude publiée en juin. L’organisation a aussi interrogé des ménages pour savoir s’ils pouvaient combler différents besoins, comme se déplacer, avoir au moins une paire de chaussures bien ajustées et une paire de bottes d’hiver ou maintenir leur logement à une température convenable durant toute l’année.
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