L’énorme château de Biron, en Dordogne, a été une forteresse médiévale, maintes fois assiégée et prise, peu à peu changée en résidence aristocratique à partir du XVIe siècle. On y trouve la plupart des styles architecturaux du Moyen Age au XVIIIe siècle, et l’unité n’est pas son point fort. Accrocher des œuvres contemporaines en un tel lieu est donc un exercice malcommode, comme il l’est souvent dans les monuments historiques : omniprésence de la pierre, salles très vastes, circulation tortueuse. Invité à en être l’hôte, Martial Raysse a choisi celles de ses œuvres qui convenaient le mieux à l’endroit. Ce n’est donc pas une rétrospective que l’on parcourt, mais une anthologie de travaux des années 1970 à de plus récents, disposés non selon leur chronologie, mais selon ce que les circonstances suggèrent.
La réussite est manifeste dans la première salle, dans le bâtiment dit « des Maréchaux », monumentale. Martial Raysse y montre un ensemble de grandes toiles verticales dans lesquelles il fait un usage parcimonieux de la couleur, ou même s’en passe pour dessiner au fusain la course d’une Diane nue et de ses chiens dans un espace vide. Les allusions aux mythes et aux contes (une licorne, un dragon) sont elles aussi retenues, à peine plus qu’esquissées.
L’interprétation n’en est que plus libre. Est-ce un manteau noir attaché à un clou ou un fantôme ? Est-ce un vieux paysan à la blouse d’un bleu fané assis sur une chaise ou un magicien ? Ce qui est sûr, c’est que ces œuvres, qui ont été montrées pour la plupart dans les rétrospectives de l’artiste au Centre Pompidou en 2014 et au Palazzo Grassi l’année suivante, ne l’étaient pas aussi bien. L’adéquation entre leurs formats et les murs et entre leur tonalité légendaire et l’histoire du château est parfaite.
Incongruités
Mais Martial Raysse ne saurait se laisser enfermer dans une manière, si belle soit-elle. La deuxième moitié de l’exposition, un étage plus haut, le rappelle. S’y trouvent des travaux de plusieurs périodes, dont n’est exclue que sa première, celle des années 1960 et de sa version du pop art. Il y a là des pastels et gouaches du cycle « Loco Bello » de 1974-1975, essais de paysages et de natures mortes dans lesquels il abandonne les techniques de reproduction modernes qu’il employait jusqu’alors et cherche à s’approcher de la nature par des moyens directs.
Il prend ses sujets en regardant par la fenêtre ou dans la maison où il s’est retiré dans le Périgord, guère loin de Biron. De ces premières expériences de dessin et de peinture jusqu’aux dernières années, ici évoquées principalement par des figures féminines, la continuité est flagrante. Etudes sur le motif, séances de pose avec modèles, compositions savamment réglées : il s’agit de représenter le monde de la façon la plus limpide.
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