Sur les hauteurs de Harissa, à trente kilomètres au nord de Beyrouth, la guerre qui fait rage au Liban sud paraît loin. La menace d’une extension du conflit entre le Hezbollah et Israël s’est éloignée, après une nouvelle escalade en août, mais elle laisse un goût amer. « La Palestine est une cause nationale qui dépasse le Liban. Pourquoi ouvrir un front au Liban alors que les autres pays arabes ne font rien ? », s’interroge Elie Naïm, 50 ans, venu se recueillir au sanctuaire chrétien maronite de Notre-Dame du Liban, dimanche 1er septembre.
L’agent d’entretien fustige la décision, prise par le Hezbollah, le parti chiite libanais, en octobre 2023 – après l’attaque du Hamas en territoire israélien et les représailles menées dans la bande de Gaza par Israël –, d’ouvrir un front de soutien au Hamas, au prix de plus de 600 morts au Liban, dont 132 civils selon un décompte de l’Agence France-Presse. « Le Hezbollah décide contre notre volonté car il a les armes et il est le plus fort. Tous les chrétiens du Liban sont contre la guerre et contre le Hezbollah, comme une moitié des musulmans d’ailleurs », estime, plus tranchante encore, Denise Marheb, une employée d’imprimerie de 60 ans.
Depuis octobre 2023, les responsables politiques chrétiens se font l’écho du malaise qui s’exprime au sein de leur communauté. Dénonçant le fait accompli imposé par le Hezbollah, ils redoutent que le parti chiite ne profite d’un rôle accru sur la scène régionale, aux côtés de son parrain iranien, pour imposer son diktat au Liban. Ils reprochent déjà au parti chiite de prolonger le vide présidentiel depuis près de deux ans pour faire élire son favori à ce poste réservé à un chrétien maronite.
« Couverture » chrétienne
« Qui a donné au Hezbollah le droit d’impliquer unilatéralement tout le Liban dans la guerre, sans même consulter le gouvernement ? Et surtout, à ce dernier, je dis : mais où es-tu ? », a tancé, dimanche, depuis son fief de Meerab, le chef des Forces libanaises (FL), Samir Geagea. Défendant l’idée d’un « Etat libre, fort et indépendant », seul détenteur de la décision de guerre et de paix, le leader chrétien a appelé à l’élection, sans délai, d’un président. « Le plus important est que le Hezbollah ne se trompe pas dans les calculs de l’après-guerre et qu’il n’impose rien de l’intérieur », a-t-il averti.
Les FL, le parti chrétien Kataëb et le patriarche maronite, Béchara Raï, sont les principaux pourfendeurs de la guerre lancée par le Hezbollah contre Israël. En juin, le patriarche avait plaidé pour l’application des résolutions onusiennes, notamment la 1559 votée en 2004, qui appelle au désarmement des milices au Liban, ce à quoi le Hezbollah est opposé. Il avait appelé à l’élection d’un président pour garantir que « le Liban ne soit plus une rampe de lancement pour des actes terroristes qui compromettent la sécurité et la stabilité de la région ».
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