A la Bourse de commerce, à Paris, la Collection Pinault présente l’avant-garde italienne de l’arte povera, de son surgissement, dans les années 1960, à aujourd’hui. Toujours dans la capitale, la Fondation Vuitton ouvre, elle, dans quelques jours, « Pop Forever », un parcours à travers le pop art des années 1950 jusqu’à ses formes actuelles. En 2023, la Collection Pinault montrait à Rennes « Forever sixties », sur la même définition extensive du pop. En 2017, chez Vuitton, « Art/Afrique le nouvel atelier » témoignait de l’émergence de l’art contemporain sur ce continent.
Ces manifestations relèvent de ce que l’on nomme d’ordinaire des « grandes expositions » : fondées sur la réunion d’un grand nombre d’artistes et d’œuvres, elles affirment la volonté d’écrire ou de réécrire l’histoire en traitant d’un mouvement, d’une notion, d’une période ou d’une région du monde. Collectives et internationales, elles se distinguent des rétrospectives monographiques, qui n’ont qu’un seul héros – plus rarement une héroïne –, respectent l’ordre chronologique des œuvres et sont donc d’une conception plus simple.
Que la Fondation Vuitton ou la Collection Pinault s’engagent simultanément cet automne dans de telles opérations n’est ni anodin ni une coïncidence. Longtemps, les manifestations de ce genre ont été, en France, le privilège de rares institutions publiques et, surtout, du Centre Pompidou. Celui-ci a en effet, à ses débuts, fondé sa réputation sur une suite d’expositions transnationales. L’année de l’ouverture du Centre, 1977, est celle de « Paris-New York », confrontation des deux capitales de l’art moderne. Suivent « Paris-Berlin » en 1978, « Paris-Moscou » en 1979 et, plus nationale et plus discutée, « Paris-Paris » en 1981.
Entre-temps, en 1980, le Centre Pompidou a étudié les « Réalismes » de l’entre-deux-guerres : il y a donc dans cette période une exposition historique par an. Cette politique est voulue et mise en œuvre par le conservateur suédois Pontus Hulten, directeur de Pompidou de 1973 à 1981. Cette pratique de l’exposition comme moyen de penser l’histoire se retrouve, entre autres exemples, dans « L’Ame au corps. Arts et sciences (1793-1993) » au Grand-Palais en 1993, qui fut un événement considérable, car il posait des questions entre arts et sciences qui ne l’avaient pas encore été ainsi. Le modèle s’exporte aussi en Allemagne ou au Royaume-Uni.
Or, donc, avec « Arte Povera » et « Pop Forever », l’initiative de telles manifestations n’appartient plus aux musées mais à des opérateurs privés. Il est difficile de ne pas voir dans ce changement un signe qui confirme ce diagnostic général : la montée en puissance de ces derniers et, corrélativement, l’érosion de l’influence des institutions publiques.
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