Cela fait à peu près une heure que la petite assemblée devise sur la laïcité dans le salon d’honneur de la mairie d’Autun (Saône-et-Loire) quand l’animateur de la table ronde, Michel Lalande, propose de participer à un jeu. Il demande à l’auditoire de se mettre à la place d’un préfet qui doit statuer sur la demande de naturalisation d’une femme musulmane, dont l’époux insiste pour qu’elle soit auditionnée exclusivement par une autre femme. « Qui dans cette pièce coche la case “naturalisation acceptée ?”, demande M. Lalande, lui-même ancien préfet. Et qui coche la case “naturalisation refusée” ? »
Un murmure de stupeur parcourt l’assistance tandis que les premières mains se lèvent fièrement pour demander l’expulsion de la femme voilée fictive. « Non, on vote pas ! implore un des participants. Après ça, quels enseignements allons-nous tirer sur les uns et les autres ? » Mais M. Lalande ne se démonte pas et assume, invoquant la lâcheté et « quarante ans d’une longue dérive ». « C’est très simple les choix. A un moment, il faut prendre ses responsabilités ! », tonne ce membre du conseil scientifique du Laboratoire de la République.
Du jeudi 29 au samedi 31 août, ce cercle de réflexion fondé par Jean-Michel Blanquer tenait sa première université d’été dans la ville d’Autun, en lisière du Morvan. Au programme, des ateliers, des conférences et un mini-salon du livre avec pour fil conducteur : la défense des valeurs de la République et de la laïcité. Mais de laïcité, il n’en a été question que pour parler de l’islam et des musulmans, dans l’atelier consacré au sujet.
« Victoire sémantique »
Une directrice des ressources humaines donne ses conseils pour ne pas avoir de femmes voilées dans une entreprise grâce à l’inscription dans le règlement intérieur que « le principe de neutralité prévaut dans un contexte de contact avec la clientèle ». « Maintenant, devant un juge, est-ce que vous pouvez gagner ? Je vous avoue que, pour l’instant, ça reste encore à suivre », reconnaît-elle. Le gérant d’un centre commercial se demande, lui, comment mettre un terme au bail commercial d’une de ses locataires qui s’est mise à porter le voile.
L’anthropologue Florence Bergeaud-Blackler, qui s’estime victime d’une cabale universitaire depuis la sortie de son livre Le Frérisme et ses réseaux, l’enquête (Odile Jacob), déclare que « même si on tolère un petit hijab coloré, petit à petit, il y a une surenchère normative qui amène de toute façon au cas afghan. Ça ne peut aller que vers là ! ». Et alors qu’aucun responsable musulman n’a été invité à s’exprimer sur le sujet, la conclusion de l’atelier est assurée par… un archevêque. En l’occurrence Mgr Benoit Rivière, venu à la mairie avec col romain et croix autour du cou.
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