« Un cercle vertueux ». Au nom de ce principe, les sénateurs ont voté, samedi 30 novembre dans la soirée, en séance publique, et contre l’avis du gouvernement, une hausse de 113 millions d’euros du montant annuel issu des taxes sur les paris sportifs en ligne, qui est affecté à l’Agence nationale du sport (ANS), « bras armé » de l’Etat dans la mise en œuvre des politiques publiques sportives.
Les paris sportifs bénéficiant « des résultats de l’ensemble de la politique sportive qui permettent l’organisation de compétitions de qualité dynamisant économiquement leur activité, il est juste qu’une part accrue de la fiscalité [qui leur est appliquée] finance les politiques publiques en faveur du sport », fait valoir l’amendement rédigé par le sénateur (Les Républicains) de l’Isère Michel Savin et adopté par le Sénat dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2025.
Avec cette disposition, l’objectif affiché est avant tout de « limiter l’impact de la diminution » des moyens dévolus au sport, que le gouvernement de Michel Barnier a programmée pour l’année prochaine, et tout particulièrement la baisse des financements de l’ANS. Dans le cadre de son projet de budget 2025, l’exécutif a réduit non seulement les crédits versés par l’Etat à l’agence (− 111 millions d’euros, pour une part en raison de la fin de certaines mesures liées aux Jeux olympiques et paralympiques), mais aussi la somme que celle-ci perçoit sur les taxes sur les paris sportifs (− 6 millions d’euros).
Déplorant que ce budget « fragilise l’héritage des Jeux olympiques et paralympiques et l’ambition de bâtir une nation sportive », les sénateurs, à travers l’amendement qu’ils ont adopté, ont donc porté de 100,4 millions à 213,8 millions d’euros le montant des ressources de l’ANS issues de la taxe sur les paris sportifs en ligne.
« Il n’est pas nécessaire de procéder au relèvement du plafond sur la taxe sur les paris en ligne affectée à l’ANS », a plaidé, sans succès, le ministre du budget et des comptes publics, Laurent Saint-Martin, tout en soulignant qu’une mission parlementaire allait se mettre en place afin de « remettre à plat la problématique de la fiscalité affectée des jeux ».
« Impact négatif sur l’investissement »
Avec ces 113 millions d’euros supplémentaires, il s’agira, selon les sénateurs, « de sécuriser le financement des équipements sportifs structurants [gymnases, piscines…] par les collectivités territoriales ».
Si l’Etat s’était engagé, à l’automne 2023, dans le cadre du plan Génération 2024 visant à la création de 5 000 équipements sportifs, à mobiliser 100 millions d’euros par an pendant trois ans (2024, 2025, 2026) pour épauler les collectivités, le gouvernement de Michel Barnier a annulé le versement de 100 millions d’euros de crédits en 2025.
Pour les sénateurs, il y a d’autant plus urgence à maintenir l’effort de l’Etat en la matière que la réduction des dotations des collectivités inscrite par le gouvernement dans son projet de loi de finances « aura nécessairement un impact négatif sur l’investissement dans le domaine des équipements sportifs, et sur la capacité des collectivités à assurer le bon fonctionnement d’équipements souvent vieillissants », selon Jean-Jacques Lozach (Parti socialiste, Creuse).
Le souhait de recourir plus largement aux taxes sur les paris sportifs pour financer le sport constitue un leitmotiv chez les parlementaires depuis deux ans, à chaque examen des projets de loi de finances. A ce stade sans succès. Cet automne, le sujet avait déjà été remis sur la table par les députés. Avant les sénateurs, ils avaient, eux aussi, adopté, le 8 novembre, un amendement pour relever de 46 millions d’euros les sommes prélevées sur les paris sportifs en ligne.
Celui-ci n’avait toutefois pas été inclus au texte sortant de l’Assembée nationale : ces mêmes députés n’avaient pas adopté l’ensemble du volet recettes du projet de budget, ce qui avait annulé tout ce qu’ils avaient pu voter au préalable. Il n’est pas certain que l’amendement sénatorial connaisse un meilleur sort. Notamment du fait des menaces de censure qui pèsent sur le gouvernement s’il cherche à faire adopter son projet de budget sans vote, en recourant à l’article 49.3 de la Constitution.
Les acteurs des jeux en ligne s’opposent à une taxation plus lourde
L’Association française des jeux en ligne (AFJEL) a publié le 29 novembre un communiqué dans lequel elle « dénonce les conclusions de la Commission mixte paritaire » entré députés et sénateurs sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale qui, selon elle, revient à « surtaxer de manière confiscatoire et dévastatrice » le secteur du jeu en ligne. Députés et sénateurs se sont accordés pour relever le taux de taxation appliqué aux paris sportifs en ligne. Assurant que cette disposition « aboutira à la destruction de 50 % de ses entreprises et de milliers d’emplois en France », l’AFJEL prévient également que cela conduira à « une déstabilisation massive du financement du mouvement sportif ». Elle assure que « chaque année, le secteur des paris en ligne contribue à hauteur de plus de 100 millions d’euros au financement du mouvement sportif et investit près de 50 millions d’euros dans des partenariats avec les clubs, fédérations et le sport amateur ».