- Un jugement inédit rendu le 13 novembre dernier oblige Alstom à revoir les logiciels qui équipent les rames de huit lignes de métro et du RER A.
- En cause : le « bug de l’an 2038 », susceptible de rendre inopérants de nombreux trains.
C’est une drôle de découverte qu’ont fait les techniciens et ingénieurs de la RATP le 5 octobre 2017. En pleine revue technique des consoles du MI 09, qui équipe notamment la ligne du RER A, ils découvrent qu’il est impossible d’inscrire une date supérieure à 2037 sur la console d’une rame. Quelques semaines plus tard, le verdict tombe : il s’agit du bug de l’an 2038, un problème informatique connu depuis plus de 20 ans par les informaticiens.
Potentiel arrêt des systèmes
Ce dysfonctionnement, aussi appelé « bogue POSIX », est lié à l’encodage de la date et de l’heure sur les systèmes en 32 bits signés. En clair, sur la plupart des ordinateurs qui utilisent la représentation POSIX du temps, le nombre de secondes est limité à 2.147.483.647, et ce, depuis le 1ᵉʳ janvier 1970. Résultat : le 19 janvier 2038, à 3h14 et 7 secondes précises, le compteur déborde, les dates deviennent incohérentes et se réinitialisent au 13 décembre 1901 à 20h45 environ.
Et c’est spécifiquement ce dysfonctionnement qu’ont découvert les équipes de la RATP sur plusieurs séries de trains livrés par Alstom, comme les « matériels roulants des marchés MP89 »
ou encore MP14, soit plusieurs lignes de métro et de RER qui deviendraient « impropres à l’usage »
selon la décision du tribunal administratif que nous avons consultée.
L’échéance d’horodatage 2038 induite par la norme POSIX était mentionnée dès 1999
L’échéance d’horodatage 2038 induite par la norme POSIX était mentionnée dès 1999
Alstom
Face à cette situation, la multinationale assure que le risque était connu par la régie publique, « l’échéance d’horodatage 2038 induite par la norme POSIX étant mentionnée dès 1999 dans des publications »
. Un argument qui n’a pas trouvé d’écho auprès des juges.
Considérant que la RATP n’avait pas connaissance précise du vice et qu’Alstom aurait pu conseiller une solution plus pérenne, comme du 64 bits, la justice ordonne au constructeur des trains, désormais passé sous giron canadien, de vérifier l’ensemble des matériels concernés et d’identifier ceux affectés par le bogue POSIX dans les 24 prochains mois. À échelle plus lointaine, Alstom doit également trouver une solution et l’appliquer sur l’ensemble des logiciels.
100.000 euros d’astreinte
En cas de non-respect de ce calendrier, la facture pourrait s’annoncer salée. La justice a prévu 100.000 euros par mois d’astreinte pour chaque échéance non respectée. Un montant qui pourrait grimper à 1 million d’euros mensuels, si l’ensemble des injonctions n’est pas exécuté dans un délai de sept ans. Contactée par TF1info, Alstom assure avoir « décidé de faire appel de cette décision »
et ne pas vouloir faire de commentaire à ce stade.
Doit-on pour autant s’inquiéter ? L’hypothèse d’un bug massif des systèmes, pour l’heure lointaine, n’est pas à écarter. D’autant que les informaticiens peinent encore à en anticiper les conséquences. De son côté, la RATP, contactée, nous a confirmé l’existence d’un « bug de l’an 2038 » mais n’a pas souhaité faire de commentaire à ce stade.
En 2021, le premier bug géant de la plateforme YouTube avait concerné le compteur de « likes » de la chanson coréenne Gangnam Style, qui avait alors atteint le nombre fatidique des plus de deux milliards. Depuis, l’entreprise de la Silicon Valley a passé l’ensemble de ses systèmes sur du 64 bits, soit l’équivalent, en nombre de secondes, de près de 292 milliards d’années. Peu de chances donc qu’une vidéo atteigne un tel succès.












