Juillet 2023. A la suite de la mort de Nahel, 17 ans, abattu par un policier, à Nanterre, après plusieurs refus d’obtempérer, la France est secouée par des émeutes sans précédent. Violences illégitimes, racisme systémique : les accusations récurrentes visant l’action de la police ressurgissent.
Août 2024. Place Pleyel, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), au cœur du département le plus criminogène du pays, des gamins tapent la balle avec de jeunes gardiens de la paix ; dans les rues de Paris, le nageur multimédaillé Léon Marchand pose, tout sourire, aux côtés de policiers, comme l’ont fait avant lui le judoka Teddy Riner, la chanteuse Céline Dion, et même le rappeur américain Snoop Dogg. Des gendarmes se voient proposer de petits gâteaux par des passants. Des restaurateurs offrent des ristournes aux policiers venus de province en « renfort JO ».
Les Jeux olympiques (JO) ne suffiront pas à balayer des années de polémiques et d’anathèmes, de bavures réelles ou instrumentalisées, ni à réparer un lien entre la population et les forces de l’ordre – la police, en premier lieu – durablement entamé depuis la crise des « gilets jaunes ». Mais l’euphorie née d’une moisson inédite de médailles par les athlètes français et le scénario catastrophe d’une apocalypse sécuritaire, déjoué jusqu’à présent, semblent souder un pays dont les fractures paraissaient irréductibles il y a quelques semaines à peine. « Après une phase politique anxiogène et conflictuelle, décrypte Mathieu Zagrodzki, chercheur associé au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales, l’effet “bonne surprise” fonctionne. Et l’opinion considère que les forces de l’ordre y sont forcément pour quelque chose, compte tenu de leur omniprésence. »
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« Etat de grâce » : au sein des services de communication de la police, la gendarmerie et la « PP », la Préfecture de police de Paris, l’expression est aussi partagée qu’un élément de langage distillé par une agence de communication. Comment ne pas profiter de l’effondrement de la délinquance dans l’agglomération parisienne, des images de fonctionnaires de police affables, filmés par les touristes étrangers ? Pourquoi ne pas tenter de gommer, du même coup, les accusations de « nettoyage social » de la capitale par les forces de l’ordre, la multiplication des contrôles – certes sans suite, la plupart du temps ?
Ironie du sort, alors qu’un rapport de la Cour des comptes s’interrogeait, au mois de juillet, sur le coût et le fonctionnement de la musique de la garde républicaine, les gendarmes musiciens, cuivres rutilants et plumets impeccables ornant les shakos réglementaires, ont sans doute inauguré la vaste opération de communication en cours en accompagnant la chanteuse Aya Nakamura, à l’occasion d’un tableau parmi les plus marquants de la parade fluviale sur la Seine, le vendredi 26 juillet, lors de la cérémonie d’ouverture des JO.
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