Le 30 novembre, vers 7 heures du matin, les manifestants n’étaient plus très nombreux à Tbilissi, en Géorgie, lorsque la police s’est mise à charger. Zviad Maisachvili, entrepreneur de 23 ans, a couru vers le métro. « Il y a eu des cris terribles, raconte-t-il. Les forces de l’ordre attrapaient les gens et les frappaient. » Le jeune homme rebroussait chemin lorsqu’il a senti un homme sauter sur lui. « En quelques secondes, ils étaient cinq ou six, le visage masqué, à me tabasser de tous côtés. » Zviad a perdu connaissance, mais les forces de l’ordre ont continué. L’un d’eux lui a asséné un coup de pied dans la tête lorsqu’il était à terre, inerte. Sur la vidéo qui a immortalisé la scène, prise par un témoin, ses longs cheveux bruns se balancent sous l’effet du choc.
La séquence, virale, a soulevé l’indignation à travers le pays. En quelques heures, le jeune homme est devenu un symbole de la répression du gouvernement, dont la décision de suspendre le processus d’adhésion à l’Union européenne (UE), le 28 novembre, a déclenché un mouvement de contestation massif et sans leader. Zviad Maisachvili a aujourd’hui le nez cassé, une commotion cérébrale et de multiples blessures sur le corps. Il dit pourtant « aller mieux qu’avant cette agression » : « Je n’avais plus d’espoir, explique-t-il, le nez recouvert d’un large pansement. Là, je suis heureux de voir que, grâce à cette vidéo, les gens se réveillent. »
Plus de 400 personnes ont été arrêtées depuis le début du mouvement, selon le gouvernement, qui accuse les manifestants d’être des « radicaux » et des « libéralo-fascistes » téléguidés par des puissances étrangères. Au moins 319 d’entre eux affirment avoir subi de mauvais traitements, a recensé l’Association des jeunes avocats de Géorgie. L’ambassade américaine en Géorgie a dénoncé, lundi, une « violence brutale et injustifiée ». L’UE a exigé « la fin des intimidations généralisées, des persécutions politiques, des cas de torture et des mauvais traitements infligés aux citoyens ». Emmanuel Macron a appelé, mercredi, l’homme fort du pays et fondateur de Rêve géorgien, Bidzina Ivanichvili. Le président français a condamné la répression et demandé « la libération de toutes les personnes arrêtées arbitrairement ».
Gangs d’individus masqués
Les violences policières, essentiellement perpétrées par les forces anti-émeutes, redoublent la colère contre le gouvernement. Choquées, des milliers de personnes supplémentaires sont descendues dans la rue, y compris dans de petites villes paisibles. A Tbilissi, des « groupes de mères » ont protesté devant des bureaux de police. « Nos enfants sont tabassés alors qu’ils manifestent pacifiquement, et personne n’est puni pour ça ! », tempête Nato Slepakova, 46 ans, venue manifester avec une dizaine d’autres femmes. Elle brandit ses paumes, peintes en rouge, devant les policiers déployés devant leur bâtiment. « C’est le sang que vous avez sur les mains, lance-t-elle. Le gouvernement accuse nos enfants d’être des radicaux et des satanistes, mais c’est le contraire ! Ce sont de bons citoyens, instruits, avec de vraies valeurs, pro-européennes, qu’ils défendent aujourd’hui dans la rue. »
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