Fin 2019, le marché de Huanan à Wuhan n’abritait ni chauves-souris ni pangolins. Mais une foule d’animaux de tous poils, dont certains – tel le chien viverrin et la civette palmiste – étaient susceptibles de porter et transmettre le SARS-CoV-2, le virus responsable de la pandémie de Covid-19. C’est ce que confirme une analyse de données génétiques réalisée par une équipe internationale sous la direction de Florence Débarre, de l’Institut d’écologie et des sciences de l’environnement (CNRS/Sorbonne Université/UPEC/IRD/INRAE), et publiée jeudi 19 septembre dans la revue américaine Cell.
La chercheuse française avait repéré, en mars 2023, une partie des données en question, mises en ligne sur la base Gisaid par une équipe chinoise, laquelle avait prélevé des échantillons environnementaux dans le marché de Wuhan début 2020, juste après sa fermeture. La soudaine publicité autour de ces données avait conduit les chercheurs chinois à les mettre intégralement en ligne, et à publier précipitamment une première analyse dans Nature.
Ils y confirmaient la présence de chien viverrin et d’autres animaux vendus illégalement, et d’échantillons positifs au SARS-CoV-2. En réalité, dès janvier 2020, George Gao, respecté patron du Centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC) chinois, avait indiqué sur la base de ces premières analyses qu’il suspectait fortement que l’épidémie était liée au commerce d’animaux sauvages dans ce marché.
En juin 2021, une étude conduite en amont de la pandémie pour étudier la circulation des tiques, publiée dans Scientific Reports, y confirmait la présence illégale de chiens viverrins fin 2019. Mais dans l’intervalle, les autorités chinoises, mises en accusation par Donald Trump, avaient poussé une autre hypothèse, celle d’une importation du virus par le biais de la viande congelée.
Est-ce la raison pour laquelle George Gao s’est fait plus prudent dans ses publications ultérieures ? L’analyse présentée par son équipe dans Nature en 2023 soulignait un éventuel biais dans la collecte des échantillons, et notait que la présence du virus et de traces génétiques de ces animaux ne prouvait pas qu’ils aient été infectés par le SARS-CoV-2. Si tel était le cas, il restait possible qu’ils aient été contaminés par des humains malades, et non l’inverse, insistaient-ils, estimant que le marché avait pu n’être qu’un amplificateur de la diffusion du virus, et non le point d’origine de la pandémie.
« Preuves qui s’accumulent »
L’étude parue dans Cell vient affiner ce tableau indécis. « Il n’est pas possible avec ces données, pas plus qu’en 2023, de préciser d’où vient le virus et si les animaux étaient infectés, assure Florence Débarre. Néanmoins, le motif observé est celui auquel on s’attend s’il y avait des animaux infectés présents sur ce marché. » Avec ses collègues, elle a aussi conduit une comparaison des lignées de SARS-CoV-2 détectées dans les échantillons avec celles trouvées dans les premiers cas humains connus infectés par le virus. « La diversité précoce du virus est représentée dans le marché, ce qui est cohérent avec une origine liée au marché », résume-t-elle.
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