En lettres capitales, au fronton des théâtres privés parisiens, claquent les noms d’actrices qui ne sont pas là pour amuser la galerie, en jouant les épouses trompées ou les soubrettes écervelées. Isabelle Carré, Sandrine Bonnaire et Isabella Rossellini : ces comédiennes popularisées par le cinéma, extirpent les spectacles de leurs ornières commerciales pour les élever à hauteur d’une exigence intime offensive. Elles n’incarnent pas des potiches, mais des figures exemplaires, puissantes par la pensée, efficaces par l’action, assumant le pire comme le meilleur d’elles-mêmes. Ces actrices distillent au cœur d’un théâtre privé, peu coutumier du fait, une dose certaine de féminisme. Elles le font d’autant mieux qu’à leurs côtés œuvrent des complices metteuses en scène (Catherine Hiegel), autrices (Géraldine Martineau) et/ou directrices de lieu (Rose Berthet).
A la tête du Théâtre de l’Atelier, à Paris, depuis 2022, Rose Berthet veut renouveler le public en mélangeant sang neuf et valeurs sûres. « On ne sait jamais ce qui va marcher, mais on essaie de minimiser les risques », explique-t-elle. Comment ? En confiant à une star au talent très fédérateur (Fabrice Luchini) la première partie de la soirée. Puis en poursuivant, la nuit venue, par des projets plus risqués. Aux Illusions perdues, d’après Balzac, spectacle actuellement proposé par Pauline Bayle, succéderont, mi-octobre, les représentations de L’Amante anglaise, de Marguerite Duras, avec Sandrine Bonnaire en tête d’affiche.
« Projets plus périlleux »
Si la billetterie générée par Fabrice Luchini ne finit pas dans les caisses de L’Atelier (l’acteur, qui loue la salle, garde pour lui les bénéfices), sa notoriété est un atout publicitaire : « Son succès me permet de programmer des projets plus périlleux », confie Rose Berthet, dont l’ambition est de défendre la création et de promouvoir la parité. « Les lignes bougent. La reprise de spectacles créés dans le théâtre public – c’est le cas des Illusions perdues – donne aux œuvres une chance supplémentaire d’être vues. Les jeunes générations sont sensibles à des propositions qui ne reposent plus seulement sur les comédies de boulevard et le divertissement. » Antoine Courtois, propriétaire du lieu, lui laisse les mains libres. « Il me fait confiance, et je n’ai pas de cahier des charges », se félicite la directrice, à qui incombe tout de même la tâche de ne pas faire de déficits.
Sueurs froides garanties. Car il n’existe pas de recette imparable pour capter un public tenté par une offre culturelle parisienne pléthorique. Rose Berthet a beau être volontariste, il lui arrive de naviguer à vue : « Notre jauge est de 560 places. Nous comptons sur le bouche-à-oreille, mais nous ne savons jamais pourquoi un spectacle démarre fort, ou pas. » Avec prudence, elle annonce seulement trente dates de représentation pour L’Amante anglaise. Si les gens sont au rendez-vous, ce nombre grimpera à soixante. La présence de Sandrine Bonnaire suffira-t-elle à doubler la mise ? « Je ne cherche pas, avant tout, une vedette de cinéma, se défend Rose Berthet, mais il est vrai que le nom de Sandrine peut rassurer. »
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