Au cœur du mois d’août, le soleil cogne sur le col de Chavière, niché à près de 3 000 mètres d’altitude, dans le parc national de la Vanoise, en Savoie. Dans une chaleur étouffante, avec des températures proches des 30 °C, les glaciers fondent inexorablement. Seuls quelques névés subsistent encore par endroits, laissant place à une mer de roches.
Dans cette majestueuse désolation fourmille une équipe d’archéologues, composée aussi bien de professionnels chevronnés que d’étudiants, en quête de vestiges fraîchement libérés par la fonte : une pointe de flèche, un bout de céramique, un morceau de cuir…
« Ces objets ne sont pas forcément spectaculaires, mais ils sont intrigants, explique Eric Thirault, professeur de préhistoire à l’université Lumière-Lyon-II, à la tête du projet. Comment ont-ils été faits ? Comment sont-ils arrivés là ? Que nous apprennent-ils sur nos ancêtres et sur la façon dont les humains utilisaient la montagne il y a deux mille ans ? On a beaucoup de questions, mais très peu de temps. »
Les Alpes se réchauffent deux fois plus vite que le reste de l’Europe. Elles ont perdu un tiers de leur volume de glace ces vingt dernières années. Et les glaciers, qui autrefois étaient le meilleur milieu de conservation pour ce patrimoine archéologique et culturel, sont aujourd’hui en train de le mettre en péril, car, une fois au contact de l’air et de la lumière, les objets commencent à se décomposer. Le phénomène s’accélère tellement rapidement que la plupart ne seront jamais retrouvés et leurs secrets disparaîtront avec eux.
Alors, chaque été, au plus fort de la fonte et avant l’arrivée des premières neiges, Eric Thirault cherche des bénévoles pour l’accompagner en haute montagne. « L’objectif n’est pas de faire une archéologie technique et complexe, c’est vraiment juste de sauver en urgence ce qui peut l’être », s’alarme le scientifique.
Cette prospection se fait à l’œil nu, dans des sites triés sur le volet où la fonte est importante, où la présence humaine est attestée de longue date et hors des sentiers touristiques, à la recherche de bois, principalement, mais aussi de métaux, de cuirs et de textiles, plus rares de par leur fragilité. A chaque trouvaille, la même mécanique minutieuse se met en place : marquage GPS, photographies, étiquetage et enfin mise à l’abri de l’objet dans un sac plastique hermétique. Ici un manche. Là l’armature d’un sac de portage. Des analyses postérieures détermineront l’origine et le rôle de ces outils incomplets, et surtout la raison de leur présence à cette altitude.
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