Au festival Les Suds, à Arles (Bouches-du-Rhône), rendez-vous estival des musiques dites « du monde », c’est le temps des inventions intrigantes, des virtuosités audacieuses, parfois même des grandes métamorphoses. À l’image de celles qui ont enchanté le public les 9 et 10 juillet dans la cour de l’ancien archevêché jouxtant l’église Saint-Trophime, en bordure de la place de la République.
Le rendez-vous arlésien (jusqu’au 14 juillet) y a installé l’une de ses scènes. Dans cet endroit intimiste, où la nature reprend ses droits sur la pierre (du buis en bord de scène côté cour, les vols et les cris des choucas, tournoyant autour du clocher), s’inventent chaque début de soirée, avant les deux concerts suivants au Théâtre antique, ce que le programme nomme les « moments précieux ». Environ 400 personnes se pressent ici à chacun d’eux (tous à guichets fermés) ou aux Alyscamps, autre lieu du patrimoine de la ville d’Arles, pour ces propositions de découverte d’« artistes rares, pas ou peu connus en France », souligne Stéphane Krasniewski, directeur artistique.
Koto et violons
Des révélations d’alchimies musicales souvent audacieuses, aussi. Mardi 9 juillet, la cour de l’Archevêché accueillait la musicienne japonaise Mieko Miyazaki et les quatre musiciens français du quatuor Yako (Sarah Teboul, alto ; Alban Lebrun, violoncelle ; Ludovic Thilly et Pierre Maestra, violons), formé à Lyon. Installée depuis 2005 en France, où elle a fait découvrir à beaucoup les sonorités cristallines du koto, harpe sur table à treize cordes avec lesquelles elle dessine des inventions délicates, Mieko Miyazaki a composé toutes les pièces qu’elle interprète à Arles.
Des compositions nerveuses ou ondoyantes, enregistrées sur l’album Sky & Road (Continuo World, 2022). Les Suds l’ont déjà reçue dans d’autres formules (entre autres avec le saxophoniste Franck Wolf) mais jamais dans un format à « vingt-neuf cordes », plaisante sur scène la musicienne, rayonnante. La virtuosité n’empêche pas de savoir rester drôle. Plaisir de jouer tout aussi palpable du côté de ses complices, qui confiaient avant de monter sur scène combien cette expérience de tissage entre leur culture classique occidentale et un autre monde avait été édifiante pour eux. Un chemin inspiré par l’ensemble américain Kronos Quartet ? Ils l’admettent en chœur.
C’est encore une proposition surprenante, innovante et inattendue qui surgit le lendemain dans la Cour de l’Archevêché avec Haratago formé par le sidérant chanteur basque Julen Achiary et les musiciens Nicolas Nageotte (clarinette, duduk), Bastien Fontanille (vielle à roue, banjo) et Jordi Cassagne (violone, contrebasse de viole de gambe). Sujet du jour : le Basa Ahaide, un chant enraciné, une vibration de la terre basque. Un chant de berger, au départ sans paroles, a capella, en lien avec l’environnement, la montagne du Pays basque et tout ce qu’on y entend, « le sauvage, les cloches des brebis, les autres bergers… » explique avant le concert Julen Achiary, né à Bayonne (Pyrénées Atlantiques), dans une famille originaire de la Soule, fils du chanteur magnifique Benat Achiary, son premier-maître à chanter.
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