De Marseille à Paris, elles réclament un « sursaut » et une « loi-cadre intégrale » : plus de quatre cents organisations et personnalités appellent à manifester, samedi 23 novembre, contre les violences (sexuelles, physiques, psychologiques, économiques…) faites aux femmes. Des mobilisations qui surviennent après l’onde de choc provoquée par le procès hors norme des viols de Mazan, où une cinquantaine d’hommes sont accusés d’avoir violé Gisèle Pelicot alors qu’elle était inconsciente, droguée à son insu par son mari.
A Marseille, à la mi-journée, quelque huit cents personnes, selon la préfecture de police, dont de nombreux jeunes, se sont rassemblées sur le Vieux-Port pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles. « Brisons la loi du silence, la honte change de camp », « Non, c’est non » ou « Eduquez vos fils », pouvait-on lire sur des pancartes brandies par les manifestants ou posées au sol.
Des manifestations sont prévues dans des dizaines de villes, dont Paris, Bordeaux et Lille, deux jours avant la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.
Coiffée d’un bonnet violet tricoté pour l’occasion par sa mère, Beatriz Beloqui est arrivée à la gare du Nord, à Paris, avec une dizaine de militantes du Collectif féministe Nord-Essonne pour faire entendre leur « cri d’alerte » sur les violences faites aux femmes. « On se lève, on se barre et on crame tout », « J’accuse l’homme, j’emmerde l’artiste », « Pour que la honte change de camp #jesuisGisèle », affichent-elles sur des pancartes faites à la main.
Celle qui vient aux marches #NousToutes chaque année depuis 2019 – avec toujours le même optimisme – espère que le procès des viols de Mazan permettra d’ouvrir les yeux aux pouvoirs publics et de « faire sortir les hommes du silence ». « J’espère que la condamnation sera à la hauteur, et qu’elle s’accompagnera d’une vraie prise de conscience politique », affirme-t-elle.
Avant le départ du cortège parisien, la foule, déjà nourrie, s’écarte en silence. Au centre, on annonce un happening du collectif Le bruit qui court, qui entame une chorégraphie sous les applaudissements. « La coupable, ce n’est pas moi, ni mes fringues, ni l’endroit », scandent les danseuses. « Le coupable, c’est toi, c’est la police, c’est l’Etat, la société, le patriarcat tout entier. »
Quatre cents organisations
Ce procès à l’écho international « montre que la culture du viol est ancrée dans la société, comme la violence envers les femmes », a expliqué Amandine Cormier, de Grève féministe, lors d’une conférence de presse mercredi à Paris. « La violence patriarcale s’exerce partout, dans les maisons, sur les lieux de travail, les lieux d’études, dans la rue, dans les transports, dans les établissements de soins… »
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L’appel à la mobilisation a été signé par plus de quatre cents organisations (Fondation des femmes, Planning familial, #NousToutes…) et des personnalités (Angèle, Judith Godrèche, Vanessa Springora…). Des organisations syndicales de salariés – comme la Confédération générale du travail (CGT) et la Confédération française démocratique du travail (CFDT), dont les secrétaires générales, Sophie Binet et Marylise Léon, sont attendues à Paris – seront dans les cortèges.
« Les gouvernements successifs ont multiplié les promesses, mais les moyens sont dérisoires et en baisse, l’action politique est quasi inexistante », déplorent les signataires. En novembre 2017, Emmanuel Macron avait fait de l’égalité entre les femmes et les hommes une « grande cause du quinquennat », avec pour « premier pilier » la lutte « pour l’élimination complète des violences faites aux femmes ».
Les associations demandent un budget annuel de 2,6 milliards d’euros
Un numéro d’appel d’urgence, le 39-19, pour les femmes victimes de violences et leur entourage, a été mis en place ainsi que le dispositif Téléphone grave danger et des bracelets antirapprochement. Des mesures saluées par les associations de défense des droits des femmes, qui les jugent toutefois insuffisantes et exhortent le chef de l’Etat à changer de braquet.
En rappelant le soutien du président de la République à Gérard Depardieu, l’adoption au Sénat d’une proposition de loi contre les transitions de genre chez les mineurs, Yéléna Mandengué, membre de #NousToutes, a appelé samedi à un « sursaut » : « Nous sommes toutes et tous concernés par les violences de genre. »
« Aujourd’hui, nous sommes très inquiets concernant le financement des associations, on ferme des permanences », a déploré lors de la même conférence de presse Sarah Durocher, présidente du Planning familial.
Les associations réclament un budget total de 2,6 milliards d’euros par an et une « loi-cadre intégrale » pour remplacer une législation actuelle qu’elles jugent « morcelée et incomplète ». La secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Salima Saa, a promis « des mesures concrètes et efficaces » pour le 25 novembre.
Ces mesures viseront, entre autres, à « améliorer les dispositifs d’aller-vers » les victimes, notamment en milieu rural, à renforcer « l’accueil et la prise en charge des victimes » par une « formation des acteurs en première ligne », a-t-elle précisé.