J. D. Vance serre les mains qui se tendent, presque hilare, sûrement ému. Il consent quelques accolades, pose pour un selfie, savoure ce moment d’histoire. Il est à l’aise sur le parterre de la convention républicaine à Milwaukee (Wisconsin), au milieu des centaines de délégués. En ce milieu d’après-midi, lundi 15 juillet, le jeune sénateur de l’Ohio, âgé de 39 ans, a pris officiellement place aux côtés de Donald Trump sur le ticket de son parti, par acclamation des délégués. En cas de victoire électorale en novembre, il serait l’un des plus jeunes vice-présidents de l’histoire américaine, auprès d’un homme qu’il avait qualifié, en 2016, d’« héroïne culturelle » de l’Amérique. Le voilà accro.
Après la tentative d’assassinat contre lui, le 13 juillet, Donald Trump a fait savoir que ce choc l’incitait à repenser sa stratégie. Soudain, l’unité du pays devenait sa préoccupation première. L’illusion n’a guère duré. Le choix de J. D. Vance – « un clone de Trump » sur les questions de fond, a estimé Joe Biden, lundi – n’est pas une rupture, ni l’aube d’une ère nouvelle. Il s’agit d’un retour aux sources du trumpisme : la défense de l’homme blanc non diplômé, tourmenté par la désindustrialisation, déboussolé par ce qu’il perçoit comme une société trop permissive. C’est le choix d’un homme jeune et d’un héritier potentiel, sans états d’âme.
Derrière son visage un rien poupin, dissimulé par une barbe soigneusement taillée, se dissimule un contempteur acerbe des élites, dont il a théorisé la déconnexion et le mépris pour les classes populaires. Auteur d’un livre référence en 2016, Hillbilly Elegy : A Memoir of a Family and Culture in Crisis, (Harper), J. D. Vance y avait détaillé son parcours, son enfance difficile dans la ville industrielle de Middletown (Ohio), au sein d’une famille déchirée par la violence et l’alcool. Plus largement, il dressait un tableau sombre de la crise industrielle, du mépris de classe à l’égard des ouvriers, de leur abandon par les deux grands partis politiques, convertis au culte du libre-échange.
« Le Hitler de l’Amérique »
Le livre avait décollé dans les librairies après que l’auteur eut accordé un long entretien au site conservateur The American Conservative, lu dans tout Washington. « Après tant d’années où les républicains ont refusé d’évoquer même les fermetures d’usines, le message de Trump est une oasis dans le désert, expliquait-il. Mais évidemment, il passe trop de temps à s’adresser aux peurs des gens et il offre zéro contenu sur la façon d’améliorer leur vie. » A l’époque, J. D. Vance portait un regard distant sur le phénomène Trump. Dans un message privé à un ami – publié ensuite par ce dernier –, il se disait partagé, au sujet du futur président, entre deux hypothèses : « un trou du cul cynique comme Nixon » ou bien « le Hitler de l’Amérique ». Lundi soir, interrogé sur Fox News, J. D. Vance identifiait le coupable : « J’ai succombé aux mensonges et aux distorsions des médias. »
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