Avec cinquante millions de Français inscrits sur Doctolib, le leader de la prise de rendez-vous médical en ligne est largement scruté dans le monde de la santé.
Mercredi 20 novembre, l’entreprise française a annoncé, comme chaque année, les fonctionnalités qu’elle comptait développer dans les douze prochains mois. Assistant téléphonique virtuel avec de l’intelligence artificielle pour soulager les secrétariats, développement de la messagerie patients-soignants… La polémique est pourtant venue d’une nouveauté qui peut paraître moins révolutionnaire : un onglet, dénommé « Santé », permettant de réunir les données de santé d’un patient, a ranimé les craintes de voir le groupe privé élargir encore sa place dans ce secteur sensible.
Voilà plusieurs décennies que la puissance publique avance sur cette centralisation des données de chaque assuré : appelé « dossier médical personnel », puis « dossier médical partagé », le projet a été relancé par l’Assurance-maladie, depuis 2022, avec le dispositif « Mon espace santé ». Il compte aujourd’hui plus de quinze millions d’utilisateurs.
De son côté, Doctolib veut encourager les patients à déposer sur sa nouvelle application leurs résultats médicaux, leurs ordonnances, à renseigner leurs antécédents, leurs traitements, leurs allergies, leur carnet de vaccination… Cela doit permettre de faciliter le travail des soignants, clients de la plateforme, mais aussi d’envoyer des messages de prévention personnalisés.
« L’hébergement des données, c’est le service public »
Une démarche concurrentielle ? La question est posée, dans les rangs des médecins, bien que Doctolib s’en défende. « Il ne s’agit pas de privatiser le “carnet de santé numérique” ou de créer un autre coffre-fort numérique. Nos logiciels sont les premiers contributeurs de la plateforme publique “Mon espace santé” », souligne le patron du groupe, Stanislas Niox-Chateau, qui rappelle aussi que l’Etat est l’un de ses premiers actionnaires par le biais de la Banque publique d’investissement.
Reste à savoir si les patients, feront, eux, la « double démarche » de transmettre des informations dans deux espaces numériques. « Nous n’avons aucunement vocation à faire doublon », répond aussi Jean-Urbain Hubau, le directeur général France de Doctolib, en assurant avoir proposé une « interopérabilité à 100 % » au ministère de la santé.
Du côté de l’Assurance-maladie, on s’interroge quand même sur le positionnement de cette offre. « Elle semble très proche de ce que propose “Mon espace santé”, relève Thomas Fatôme, son directeur général. Nous avons toujours considéré comme utile, pertinent et même nécessaire que des acteurs privés et publics soient embarqués dans la même feuille de route sur le numérique en santé, et c’est ce qui se passe, ce qui est très positif. Mais le lieu de référence de l’hébergement des données de santé, c’est le service public, avec “Mon espace santé”, c’est un choix du législateur, et il y a une vraie ambiguïté à en proposer un autre. » Le patron de l’Assurance-maladie fait part de son inquiétude et dit attendre une « clarification » de la part de Doctolib, car « il ne doit pas y avoir concurrence ».
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