Pendant que le président de la République est embourbé dans ses consultations pour trouver un premier ministre, Edouard Philippe cherche à prendre les devants. Dans un entretien accordé à l’hebdomadaire Le Point, mardi 3 août, le maire du Havre (Seine-Maritime) annonce qu’il est « candidat à la prochaine élection présidentielle ».
La déclaration surprise n’en est pas une, M. Philippe ne faisant pas mystère de ses ambitions depuis son départ de Matignon, à l’été 2020. Mais le tempo, lui, est inattendu et met Emmanuel Macron sous pression, accentuant l’image d’un chef de l’Etat affaibli, désormais contraint de regarder l’avenir s’écrire sans lui.
Sans jamais le nommer, Edouard Philippe se livre d’ailleurs à une charge contre le président en exercice, incapable de résoudre la crise politique qu’il a lui-même déclenchée. Rappelant « tout le mal » qu’il a pensé de la dissolution de l’Assemblée nationale, il ajoute à ses griefs le choix d’Emmanuel Macron de remercier Elisabeth Borne, le 9 janvier, pour lui substituer Gabriel Attal, se privant ainsi d’une issue au lendemain des élections européennes. « J’avais recommandé au président de la République de conserver Elisabeth Borne, confie-t-il. Ce ne fut pas [sa] décision. »
Mais c’est sur la situation budgétaire du pays que le prétendant à l’Elysée se montre le plus critique. « Personne n’y croit ! », s’exclame-t-il, à propos du programme de stabilité 2024-2027 présenté par l’exécutif, à Bruxelles, en avril de cette année. « Notre situation budgétaire est une des plus mauvaises d’Europe », poursuit celui qui a fait de la résorption de la dette publique l’un de ses marqueurs politiques.
En se déclarant plus de trois ans avant l’échéance, Edouard Philippe nourrit le procès en « individualisme » que lui font ses détracteurs. « Alors que l’actualité, l’urgence, est de trouver une stabilité (…), déclarer sa candidature ne me paraît pas vraiment opportun aujourd’hui », a ainsi regretté, sur LCI, le président des sénateurs macronistes, et fidèle parmi les fidèles du chef de l’Etat, François Patriat. « L’homme providentiel, c’est rarement trois ans avant une présidentielle, comme un coup de foudre se prévoit rarement trois semaines avant une rencontre », ajoute un membre du gouvernement, qui juge le timing de cette déclaration « lunaire ».
Geste pompidolienne
« Au contraire, rétorque l’eurodéputée (Horizons) Nathalie Loiseau. Les Français n’en peuvent plus de cette classe politique qui tourne autour du pot et qui ne leur parle pas franchement. Ça fait des semaines qu’on a un théâtre d’ombres. La franchise et la sincérité, c’est toujours le moment. » Edouard Philippe, lui, ne manque pas ne se positionner au-dessus de la mêlée, dénonçant « l’immobilisme » consubstantiel au « caractère ingouvernable d’une Assemblée nationale sans aucune majorité nette ».
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