Katharina Wrohlich, directrice du groupe de recherche Gender Economics (« économie du genre ») à l’Institut allemand d’études économiques (DIW), à Berlin, rappelle que des progrès considérables ont été faits en matière de garde d’enfants ces vingt dernières années.
L’actuelle pénurie de main-d’œuvre outre-Rhin est-elle une chance pour lever les barrières au travail des femmes en Allemagne, notamment celles qui pèsent sur les mères ?
C’est en effet une question essentielle, mais je ne suis pas très optimiste sur une amélioration rapide. L’insuffisance des structures de garde pour jeunes enfants n’est pas un problème politique : la plupart des partis et des fédérations économiques ont compris l’importance de continuer à les développer pour encourager le travail féminin. Le problème tient aux difficultés de mise en œuvre pratique. Il faut rappeler que d’énormes progrès ont été faits ces vingt dernières années à l’Ouest : au milieu des années 2000, seuls 3 % à 5 % des enfants de moins de 3 ans étaient gardés en crèche. Maintenant, c’est environ un enfant sur trois. Cette politique de développement des crèches a été pour ainsi dire victime de son succès : la demande de garde a progressé plus vite que le développement de l’offre d’accueil. Et l’on arrive à certaines limites. Le plus gros obstacle actuel à l’augmentation du temps de travail des mères, c’est la pénurie d’éducateurs qualifiés.
Faut-il réformer les minijobs, ces contrats de peu d’heures exonérés de charges sociales, qui sont souvent occupés par des femmes ?
Les minijobs sont en effet un terrain auquel on pourrait facilement s’attaquer. Ils ont été mis en place dans un contexte de chômage de masse, en 2005. Il n’y a aucune raison que l’Etat continue de subventionner massivement ces emplois de faible amplitude horaire, alors que le pays se trouve en situation de pénurie de main-d’œuvre. C’est d’autant plus absurde que la recherche a montré combien ces emplois pouvaient être des impasses professionnelles pour celles et ceux qui les occupent. On sort plus facilement du chômage qu’on ne passe d’un minijob à un emploi régulier. Mais la résistance de certains secteurs, comme l’hôtellerie et la restauration, fait que la suppression de ces contrats n’est pas à l’ordre du jour. Quant à la fiscalité familiale désavantageuse pour les femmes mariées, une réforme a récemment été annoncée par le gouvernement, pour une mise en place en 2030. Elle va dans le bon sens, mais elle n’aura que des effets limités.
Les statistiques montrent qu’en Allemagne, les femmes qui ont diminué leur temps de travail pour s’occuper de leurs enfants reviennent rarement à temps plein une fois que ces derniers sont grands. Pourquoi ?
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