La photo fait froid dans le dos. Prise le 11 juillet à la prison fédérale d’Ezeiza, à une trentaine de kilomètres de Buenos Aires, on y voit six députés du parti de Javier Milei, La Libertad Avanza (LLA), souriant aux côtés de détenus, tous âgés. Ces derniers, quinze au total, ont été condamnés pour avoir commis des crimes contre l’humanité incluant enlèvements, tortures, disparitions forcées et viols durant la dernière dictature argentine (1976-1983). D’après l’enquête menée sur cette visite par la revue argentine Crisis, la rencontre a duré plusieurs heures et s’est déroulée dans une salle commune de l’unité 31 du pénitencier où sont enfermés ces détenus.
L’un des plus tristement célèbres, Alfredo Astiz, surnommé l’« Ange de la mort », a été condamné à la prison à vie par contumace en France, en 1990, pour la disparition, en 1977, des religieuses françaises Alice Domont et Léonie Duquet. En 2011 puis en 2017, il a été de nouveau été condamné à la perpétuité en Argentine. D’après Crisis, cet après-midi du 11 juillet à Ezeiza, il n’aurait pas prononcé un seul mot de toute la rencontre.
Réalisée sous couvert de « visite humanitaire » afin d’« observer les conditions de vie des détenus », comme l’a assuré a posteriori l’un des organisateurs, le député Beltran Benedit, cette visite, révélée par le quotidien Pagina 12 le 17 juillet, a provoqué un tollé en Argentine. D’autant qu’elle revêtait un caractère officiel. En effet, un véhicule a été sollicité formellement auprès de la Chambre basse afin d’assurer le transport des élus jusqu’à la prison.
Alors que la polémique enflait, mettant le gouvernement de Javier Milei dans l’embarras, la députée LLA Lourdes Arrieta, présente lors de la visite à Ezeiza, a lâché dimanche 25 août une véritable bombe sur son compte X. La parlementaire – qui a démissionné de LLA mardi – a mis en ligne les captures d’écran d’une conversation sur WhatsApp qui retracent la genèse de cette visite. Parmi les membres de ce groupe de messagerie, on retrouve des législateurs mais aussi des avocats et des magistrats.
« Subversion marxiste »
Les échanges montrent notamment que Javier Olivera Ravasi, prêtre youtubeur d’extrême droite et fils de Jorge Olivera, condamné trois fois à perpétuité pour crimes contre l’humanité, notamment pour la disparition d’une autre Française, Marie-Anne Erize, est à l’origine de cette initiative avec Beltran Benedit.
Dans la discussion, l’objectif du prêtre et du député apparaît clairement : faire pression sur l’exécutif afin d’adopter des législations qui permettraient de remettre en liberté certains des détenus âgés ou en attente de condamnation. « Nous avons rendu visite à des anciens combattants qui ont livré la bataille contre la subversion marxiste », aurait justifié Beltran Benedit dans un document qui a circulé sur WhatsApp.
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