Des avions russes et syriens ont mené, vendredi 29 novembre, 23 raids intensifs sur la ville d’Idlib et sa région, dernier bastion djihadiste et rebelle dans le nord-ouest de la Syrie, a fait savoir l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), ONG basée au Royaume-Uni mais qui dispose d’un vaste réseau de sources en Syrie. Ces raids interviennent alors que les combattants de Hayat Tahrir Al-Cham (HTC, Organisation de libération du Levant) et des groupes qui leur sont alliés, dont certains sont proches de la Turquie, qui contrôlent Idlib, ont lancé une vaste offensive contre les zones tenues par le régime syrien.
Les djihadistes sont entrés vendredi après-midi « dans les quartiers ouest et sud-ouest » d’Alep, a affirmé à l’Agence France-Presse (AFP) le directeur de l’OSDH, Rami Abdel-Rahmane. Il rapporte, en milieu d’après-midi, que les forces djihadistes et rebelles ont « pris le contrôle de cinq quartiers » de la ville, alors que les forces du régime « n’ont pas opposé de grande résustance ». Deux témoins ont confirmé à l’AFP avoir vu des hommes armés et fait état de panique dans la grande ville du nord de la Syrie. Plus tôt dans la journée, les djihadistes et leurs alliés étaient parvenus « à près de 2 kilomètres » d’Alep, avait fait savoir Rami Abdel-Rahmane.
Toujours selon l’OSDH, les combattants « ont pris le contrôle de plus de 50 villes et villages des régions d’Alep et d’Idlib » qui étaient tenues par le régime. L’ONG rapporte aussi que les combats ont atteint vendredi la ville stratégique de Saraqeb, tenue par le régime, située au sud d’Alep, à l’intersection de deux autoroutes. Les djihadistes et leurs alliés avaient coupé jeudi la route vitale reliant la capitale, Damas, à Alep. De son côté, l’armée syrienne a affirmé « repousser la grande offensive lancée par les groupes terroristes armés (…) », ajoutant avoir « pu reprendre le contrôle de certaines positions ».
Les plus violents affrontements depuis 2020
Selon l’agence officielle syrienne SANA, les djihadistes ont bombardé pour la première fois depuis quatre ans la grande ville, visant la cité universitaire, où quatre civils ont été tués. Au total, le bilan des combats depuis le début de l’offensive lancée mercredi s’élève à au moins 255 morts, dont la plupart sont des combattants, a précisé l’ONG. L’OSDH a fait état de 24 civils tués, dont 19 dans des frappes de l’aviation russe, alliée du régime, sur les zones rebelles.
Dans une conférence de presse, le chef du « gouvernement » autoproclamé à Idlib, Mohammad Al-Bachir, a justifié jeudi l’offensive en disant que le régime avait « commencé à bombarder les zones civiles, ce qui a provoqué l’exode de dizaines de milliers de civils ».
Il s’agit des plus violents affrontements depuis 2020 dans le nord-ouest de la Syrie, où la province d’Alep, en grande partie aux mains du régime de Bachar Al-Assad, jouxte le dernier grand bastion rebelle et djihadiste d’Idlib.
Plus de 14 000 personnes déplacées, selon l’ONU
Le Kremlin a appelé vendredi les autorités syriennes à « mettre de l’ordre au plus vite dans cette zone et à rétablir l’ordre constitutionnel », a déclaré à la presse son porte-parole, Dmitri Peskov, dénonçant l’offensive en cours comme une « attaque contre la souveraineté de la Syrie ». Le ministre des affaires étrangères iranien, Abbas Araghtchi, a, lui, « souligné le soutien continu de l’Iran au gouvernement, à la nation et à l’armée de la Syrie dans leur lutte contre le terrorisme », lors d’un appel téléphonique avec son homologue syrien, Bassam Al-Sabbagh.
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Le Bureau des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) a déclaré que « plus de 14 000 personnes, dont près de la moitié sont des enfants, ont été déplacées » en raison des violences. Le nord de la Syrie bénéficiait depuis ces dernières années d’un calme précaire, rendu possible par un cessez-le-feu instauré après une offensive du régime en mars 2020.
La trêve a été parrainée par Moscou avec la Turquie, laquelle soutient certains groupes rebelles syriens à sa frontière. Le régime syrien a repris en 2015 le contrôle d’une grande partie du pays avec l’appui de ses alliés russes et iraniens. La guerre civile en Syrie a fait plus d’un demi-million de morts et déplacé des millions de personnes.
Où en est la guerre en Syrie aujourd’hui ? Comprendre en trois minutes
Comme la Tunisie, la Libye ou L’Egypte, en 2011, la Syrie fait partie des pays dont le pouvoir autoritaire est déstabilisé par les « printemps arabes ». La dictature du clan de Bachar Al-Assad, au pouvoir depuis les années 1970, réprime dans le sang les manifestations pacifiques menées par une partie de la population syrienne pour demander plus de liberté.
Dans la foulée, de nombreux militaires font défection et créent l’Armée syrienne libre (ASL), devenue la principale composante des rebelles déterminés à prendre les armes pour renverser le régime.
Dans les années qui suivent, l’opposition à Bachar Al-Assad gagne du terrain, conquérant des villes importantes du territoire. Au conflit politique s’ajoute le conflit religieux et ethnique, car les rebelles sont un groupe hétérogène, composé aussi bien de milices d’opposants au régime, de minorités religieuses et ethniques comme les Kurdes, que de groupes islamistes radicaux, comme l’organisation Etat islamique (EI). Celle-ci profitera de l’instabilité pour conquérir un territoire important. La montée du groupe islamiste finira de convaincre des puissances étrangères d’intervenir dans le conflit.
En 2019, l’EI a été vaincue en Syrie, et le régime de Bachar Al-Assad a repris les deux tiers du territoire. L’opposition, elle, est rassemblée dans la province nord-ouest du pays. Les lignes de front sont figées depuis.
Dans cette vidéo, nous revenons sur les grands moments du conflit syrien jusqu’à la situation actuelle. A ce jour, on estime que la guerre a fait plus de 500 000 morts. Pour mieux comprendre à quoi ressemble la vie en Syrie aujourd’hui, nous vous invitons à lire le reportage ci-dessous.
« Comprendre en trois minutes »
Les vidéos explicatives qui composent la série « Comprendre en trois minutes » sont produites par le service Vidéos verticales du Monde. Diffusées en premier lieu sur les plates-formes telles que TikTok, Snapchat, Instagram et Facebook, elles ont pour objectif de remettre en contexte les grands événements dans un format court et de rendre l’actualité accessible à tous.