Lui n’a pas frappé. Pas tué. Pas enterré Magali Blandin. Il n’a fait « que ». Qu’enregistrer le meurtrier en train de dire : « J’aime ma femme, je n’ai pas envie de la tuer, je n’ai pas le choix. » Que le faire chanter pour lui extorquer quelques milliers d’euros. Que savoir, mais ne rien dire. Ou n’avoir rien empêché.
Devant le tribunal correctionnel de Rennes, mardi 24 septembre, les avocats de la partie civile, de la défense et le ministère public se sont accordés sur un point : il ne s’agissait surtout pas de faire, ici, un procès qui ne peut avoir lieu. Le seul meurtrier, l’ex-mari de Magali Blandin, Jérôme Gaillard, s’est pendu en détention après avoir avoué l’avoir assassinée. Ses parents, poursuivis pour complicité, se sont, eux aussi, suicidés.
Ne restait donc de cette affaire que trois Géorgiens, renvoyés pour « tentative d’extorsion », « escroquerie », « destruction de preuve » et « non-empêchement de crime ». « La tentation est grande de faire de M. [Giorgi] Zeragia un coupable idéal parce qu’il est difficile d’accepter ce qu’est devenu ce dossier : un lot de consolation », a plaidé Antoine Ory pour la défense.
« Vous n’avez rien dit »
Severiani Topuria s’est avancé à la barre en premier, sans avocat. Qui sait s’il comprend vraiment ce qui lui est reproché, avec son air hagard et son corps déglingué par ce que l’enquête de personnalité nomme pudiquement une « polytoxicomanie ». Cet homme de presque 50 ans, semi-SDF et multirécidiviste, a participé à la rédaction et à la remise de lettres menaçant Jérôme Gaillard de divulguer des enregistrements l’incriminant s’il ne payait pas 15 000 euros. La présidente se fait pédagogue : « Ce qu’on vous reproche, c’est d’avoir voulu lui soutirer de l’argent pour ne pas dire qu’il avait tué sa femme. » Elle n’obtiendra qu’une réponse, répétée en boucle : « C’était pour récupérer la dette madame, c’est tout. »
L’argent que Jérôme Gaillard devait à son cousin et coprévenu, en l’occurrence : Giorgi Zeragia, grand gaillard à grosses lunettes que rien ne semble ébranler, lui l’ancien footballeur professionnel à la carrière interrompue par une blessure. Il a enregistré Jérôme Gaillard en novembre 2020 en train d’évoquer le futur meurtre de sa femme et l’a fait chanter trois mois plus tard, une fois le visage de Magali Blandin apparu dans tous les journaux accolé à deux mots : « Disparition inquiétante. » Il est le seul des trois qui comparaît pour « abstention volontaire d’empêcher un crime ».
« Je ne pouvais pas l’empêcher de tuer sa femme », assène Giorgi Zeragia à la barre. Pourquoi l’avoir enregistré trois mois avant le crime ? Pourquoi ne pas avoir prévenu la police plutôt que de garder les enregistrements et de les utiliser pour lui soutirer de l’argent ? La sœur de Magali Blandin prend la parole : « Vous aviez trois mois pour prévenir Magali, nous ou la police. (…) Vous aviez aussi cinq semaines après ce qu’il s’est passé pour nous prévenir. Nous, on l’a cherchée pendant cinq semaines, Magali, et vous n’avez rien dit. »
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