En 1984 naissait l’Orchestre des jeunes de la Méditerranée (OJM), à l’initiative de Michel Pezet, président du conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur et cacique du Parti socialiste. Le projet s’inscrit dans l’air du temps qui a fait de la culture un véritable vecteur politique de coopération et de dialogue interculturel. « Les premières années s’articulent essentiellement autour de la pratique symphonique occidentale, raconte Pauline Chaigne, directrice adjointe de l’OJM depuis 2014. Ce modèle collectif porte une puissance fédératrice très importante. »
C’est ainsi que chaque été, après avoir été auditionnés, une centaine de jeunes instrumentistes de 18 à 26 ans, issus des grands conservatoires du bassin méditerranéen, se réunissent pendant plusieurs semaines pour se frotter au travail de musicien d’orchestre, mais aussi suivre des ateliers pédagogiques avec des professeurs. Sous la direction de Michel Tabachnik, qui fut leur premier directeur musical, des tournées sont organisées. L’année 1991 conduira par exemple l’OJM de Jérusalem au Caire, de Tel-Aviv à Marrakech et jusqu’à Castel Gandolfo, près de Rome, pour un concert privé devant le pape Jean-Paul II. Plus tard, le 23 juillet 1999, juste après la première rencontre entre Yasser Arafat, président de l’Autorité palestinienne, et Ehud Barak, premier ministre d’Israël, il réaffirmera à Gaza les valeurs du dialogue entre les peuples, et illustrera la capacité de la musique à promouvoir la paix.
Un rôle qui convoque évidemment la géopolitique et les bouleversements de ces dernières années. « S’il y a des pays, comme la Libye, avec lesquels nous n’avons jamais pu travailler, il y a aussi beaucoup de lieux où nous ne pouvons plus nous rendre, s’attriste-t-elle. C’est même devenu très compliqué d’y mener des auditions, précise celle qui a vu son dernier séjour au Caire se complexifier autour d’une suspicion d’espionnage, alors que les relations culturelles entre l’Egypte et la Russie n’ont jamais été aussi fluides. Il est aussi plus difficile de recruter des jeunes artistes qui puissent se manifester en toute liberté, qui se sentent suffisamment en sécurité pour le faire. Il y a des replis identitaires qui font peur : nous devons plus que jamais continuer à cultiver l’utopie. »
Création interculturelle
Un rêve de liberté que porte naturellement la musique. Ainsi, l’OJM, en plus du répertoire classique occidental, a-t-il développé une politique de commandes. Que ce soit auprès de compositeurs contemporains occidentaux ou orientaux. En 1994, à l’occasion de son dixième anniversaire, il crée Mosaïques de Iannis Xenakis, s’associe à des pôles de création comme l’ensemble Musicatreize de Roland Hayrabedian, ou encore les centres nationaux de création musicale de Marseille (GMEM) et de Nice (CRIM). En 2009, sur des textes traduits en arabe paraît L’Evangile selon Jean, du Franco-Syrien Abed Azrié, enregistré pour Harmonia Mundi après une tournée en Syrie. « Dès le début, l’OJM s’est ouvert à des esthétiques musicales portées par d’autres héritages culturels », affirme Pauline Chaigne, évoquant l’apport de voix formées au chant classique arabe ou l’hybridation de l’instrumentarium. « La création d’un ensemble de musique arabo-orientale en 2000, en même temps qu’elle promouvait le patrimoine musical historique des régions méditerranéennes, a aussi apporté la notion d’improvisation », insiste-t-elle.
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