La crise politique présente du « cher et vieux pays » du général de Gaulle aura eu une première conséquence désagréable, celle de ressusciter des mots jusque-là heureusement disparus du vocabulaire national, tels que « proportionnelle », « coalition », « parlementarisme », et jusqu’au plus incompréhensible de tous : « social-démocratie ». Evidemment, la surprise aurait été moins grande si les Français avaient été un peu plus historiens et totalement géographes. Ils auraient alors découvert que l’ensemble des pays frontaliers – et, au-delà, toutes les démocraties libérales d’Europe occidentale – avait fait le choix du même système politique – parlementaire et coalitionniste –, inverse du nôtre. En d’autres termes, ils auraient découvert qu’ils étaient, au sens étymologique, « a-normaux », constat qui n’aurait pas manqué de flatter ce peuple bien né.
Voilà pourquoi le spectacle d’un chef de l’Etat décidant de dissoudre l’Assemblée nationale sans vraie « consultation » – encore un mot incompréhensible – avait de quoi troubler nos voisins, alors que n’importe lequel de nos érudits familiers du XIXe siècle savait de source sûre que ce pays avait successivement inventé, pour sa plus grande gloire, la démocratie autoritaire moderne (en 1799, sous le nom de Napoléon Bonaparte), l’élection du président de la République au suffrage universel (en 1848, sous le nom de son neveu, Louis-Napoléon Bonaparte) et, pour finir en beauté, en 1851, la dissolution illégale de l’Assemblée nationale par le président en question, au nom du suffrage en question. Cette imagination politique suscite, il faut le reconnaître, l’admiration.
Mais ne voilà-t-il pas qu’aux jours d’aujourd’hui, certains illuminés semblent penser que la solution serait de nous faire ressembler à nos voisins ? Et l’on voit se profiler à l’horizon une série de réformes qui font froid dans le dos : l’extension du scrutin proportionnel aux élections législatives et locales ; le renversement du calendrier des législatives et de la présidentielle ; le rééquilibrage des compétences respectives du président de la République, du premier ministre et du Parlement.
Raisonnement sournois
Ils ont heureusement oublié une dernière manigance – j’ai peur d’en parler, crainte de donner à certains de mauvaises idées : corriger le mode de scrutin au second tour de l’élection présidentielle, de telle sorte que puissent s’y présenter non seulement les deux candidats arrivés en tête, mais aussi tous ceux qui auraient réuni au premier tour une proportion minimale de suffrages, à définir.
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