MAHMUD HAMS / AFP
Deux hommes blessés par une frappe israélienne sont transportés à l’hôpital de Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, le 14 octobre 2023.
INTERNATIONAL – C’est « l’équivalent d’une peine de mort », a averti l’OMS. Alors que la guerre qui fait rage à Gaza a provoqué environ un million de déplacés en une semaine, l’Organisation mondiale de la santé s’inquiète ce dimanche 15 octobre de l’évacuation forcée de milliers de patients du nord du territoire palestinien vers les hôpitaux déjà débordés du sud.
Lancée dans une vaste opération de contre-offensive après l’attaque du Hamas la semaine passée, l’armée israélienne a en effet donné 24 heures (avant de rallonger quelque peu ce délai) à tous les habitants du nord de l’enclave, y compris les malades et les blessés, pour se rendre dans le sud, afin de pouvoir mener à bien une intervention militaire terrestre contre le Hamas.

« L’OMS condamne fermement les ordres israéliens réitérés d’évacuer 22 hôpitaux traitant plus de 2 000 patients dans le nord de Gaza », a déclaré l’agence onusienne. L’organisation pointe de fait « l’incapacité » des structures de santé du sud à absorber de nouveaux patients, mais aussi l’impossible transfert de personnes gravement malades.
Les personnels de santé confrontés à des « choix déchirants »
Les patients en soins intensifs ou sous dialyse, les nouveau-nés en couveuses, les femmes enceintes souffrant de complications « risquent tous une détérioration immédiate de leur état ou la mort s’ils sont obligés de se déplacer et s’ils sont privés de soins vitaux pendant leur évacuation », prévient l’agence.
Les personnels de santé du nord de Gaza sont en outre confrontés à des « choix déchirants » entre le fait d’abandonner leurs patients, de les exposer à un risque mortel en les déplaçant ou de mettre leur propre vie en jeu en restant à leurs côtés. « En très grande majorité, les personnels de santé ont choisi de rester et d’être fidèles à leur serment de ne pas nuire », souligne l’OMS.

Nebal Farsakh, porte-parole du Croissant Rouge palestinien, explique, elle aussi, à la télévision canadienne CBC l’impossibilité pour son organisation de déplacer des centaines de patients de l’hôpital Al-Quds, dans le nord de la bande de Gaza, dans un laps de temps aussi court.
Deux hôpitaux du nord refusent d’évacuer
Elle raconte avoir fait ses adieux à des soignants qui refusent de partir pour ne pas abandonner les malades. « Ce matin, j’ai vécu un des moments les plus difficiles lorsque mon collègue m’a appelée pour me dire au revoir », a-t-elle déclaré, en larmes. Il m’a dit : « Je ne vais pas partir. Même si notre organisation décide de partir, je veux continuer à fournir mes services, à aider les gens. »
Interrogé sur le sort des personnels de santé, un porte-parole de l’armée israélienne a pour sa part rejeté la responsabilité sur l’organisation terroriste qui dirige la bande de Gaza. « Ce que je veux dire à ce personnel médical, c’est que je comprends l’extrême complexité de la situation, mais que la responsabilité de cette terrible, terrible situation incombe au Hamas », a ainsi déclaré le lieutenant-colonel Jonathan Conricus, des forces de défense israéliennes.

Malgré la pression de l’armée israélienne, deux hôpitaux de la bande de Gaza ont annoncé samedi qu’ils n’avaient pas l’intention d’évacuer, comme l’a rapporté le groupe de défense des droits de Médecins Sans Frontières (MSF). L’hôpital pour enfants Kamal Adwan et l’hôpital Al Awda, dans le nord de la bande de Gaza, ont ainsi informé l’armée qu’ils n’avaient pas l’intention de se conformer à l’ordre d’évacuation, d’après le journal israélien Ynetnews.
L’aide humanitaire s’entasse en Égypte
Outre la situation dramatique dans laquelle se trouvent des centaines de personnes malades, des dizaines de milliers de Gazaouis se retrouvent totalement isolés par le « siège complet » imposé par Israël. Tel Aviv, qui contrôle deux des trois principales portes d’entrée sur Gaza, a en effet interdit l’entrée de nourriture et coupé l’eau et l’électricité aux 2,3 millions d’habitants du territoire palestinien. Ce dimanche après-midi, Washington a toutefois annoncé qu’Israël avait promis le retour de l’eau dans le sud de l’enclave, une information confirmée en fin de journée par l’État hébreu.
La troisième voie terrestre, via l’Égypte est, elle aussi, bloquée. Après trois bombardements israéliens en moins de 24 heures lundi et mardi sur le terminal palestinien de Rafah, le poste-frontière vers l’Égypte a été fermé.

Résultat : l’aide humanitaire arrivée de plusieurs capitales soutenant le peuple palestinien s’empile ce dimanche dans le Sinaï égyptien, sans pouvoir être acheminée jusqu’à Gaza, ont indiqué des témoins à l’AFP. Des cargaisons d’aide jordanienne, turque et émiratie ont atterri à l’aéroport d’El-Arich, chef-lieu du Nord-Sinaï, ainsi que du matériel médical couvrant les besoins de 300 000 personnes dans la bande de Gaza envoyé par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). L’Égypte a, elle, envoyé un convoi d’une centaine de camions transportant 1 000 tonnes d’aide.
« Aucune aide ne peut parvenir de l’extérieur aux 2,3 millions d’habitants de l’enclave fermée, et quelque 220 000 personnes déplacées sont hébergées dans des écoles », avait déjà déploré jeudi l’Agence des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) dans un communiqué. Malgré tout, les humanitaires ont réussi à livrer du pain frais provenant de « boulangeries encore en mesure de fonctionner » et de la nourriture à plus de 175 000 personnes déplacées dans 88 abris mercredi.
L’exode des Gazaouis vers le sud, et l’offensive terrestre attendue dans un territoire surpeuplé, suscitent aussi des critiques et inquiétudes au sein de la communauté internationale. L’Iran a averti dimanche que « nul ne peut garantir le contrôle de la situation et la perspective d’un élargissement du conflit » si Israël envahit Gaza. La Maison Blanche a dit redouter une « escalade » et notamment une possible implication de l’Iran.
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