A moins de deux mois du retour à la Maison Blanche de Donald Trump, artisan d’une politique dite de « pression maximale » envers l’Iran durant son premier mandat, des pourparlers se tiennent, vendredi 29 novembre, à Genève, entre l’Iran, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni. Doivent être évoqués le dossier nucléaire iranien, mais aussi la question du soutien de l’Iran à la Russie et la situation au Proche-Orient, dans un contexte d’extrêmes tensions. La réunion est entourée de la plus grande discrétion, ni le nom des participants ni l’endroit où les diplomates des quatre pays doivent se retrouver n’ayant été révélés.
Le numéro deux de la diplomatie européenne, Enrique Mora, a dit avoir eu jeudi une « discussion franche » à Genève avec Majid Takht-Ravanchi et Kazem Gharibabadi, deux adjoints du ministre des affaires étrangères iranien, Abbas Araghtchi. Celle-ci a porté « sur le soutien de l’Iran à la Russie, qui doit cesser, sur la question nucléaire, qui doit trouver une solution diplomatique, sur les tensions régionales – il est important que toutes les parties évitent l’escalade – et les droits humains », a-t-il écrit sur X.
M. Gharibabadi a pour sa part estimé que l’Europe n’avait « pas réussi à être un acteur sérieux » sur la question du nucléaire, après le retour depuis 2018 de sanctions américaines contre Téhéran auxquelles s’opposaient les Européens. Le vice-ministre des affaires étrangères iranien chargé des questions juridiques a, par ailleurs, appelé vendredi sur X l’Union européenne (UE) à abandonner un comportement jugé « irresponsable » par Téhéran sur une série de questions internationales, en particulier la guerre en Ukraine et dans la bande de Gaza.
Eviter une situation « doublement désastreuse » pour Téhéran
Pour Téhéran, le but des pourparlers est d’éviter une situation « doublement désastreuse » qui placerait l’Iran de nouveau face à cette politique américaine et, cette fois-ci, en plus, celle des Européens, explique à l’Agence France-Presse le politologue iranien Mostafa Shirmohammadi. Car à l’épineux dossier nucléaire viennent s’ajouter les accusations des Occidentaux selon lesquelles l’Iran fournit à l’armée russe des drones explosifs pour sa guerre en Ukraine, ce que nie Téhéran.
Dans ce contexte, « l’Iran n’a pas les Européens de son côté », rappelle M. Shirmohammadi. L’Iran espère arrondir les angles avec les Européens, tout en faisant preuve de fermeté.
La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, associés aux Etats-Unis, reprochent à l’Iran son manque de coopération sur le nucléaire. En riposte, Téhéran a annoncé mettre en service de nouvelles centrifugeuses « avancées » pour enrichir l’uranium mais n’a pas donné de calendrier. Dans un entretien au quotidien britannique The Guardian publié jeudi, M. Araghtchi a ainsi expliqué que l’Iran pourrait se doter de l’arme nucléaire si les Européens réimposaient des sanctions.
L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), chargée de surveiller le programme nucléaire iranien, a confirmé le projet de Téhéran d’installer quelque 6 000 nouvelles centrifugeuses pour enrichir de l’uranium à un faible niveau, selon un rapport confidentiel obtenu vendredi par l’Agence France-Presse. Les Iraniens défendent un droit au nucléaire à des fins civiles et nient vouloir se doter de l’arme atomique, ce dont les Occidentaux les soupçonnent fortement.
Pessimisme
Jeudi soir, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, dont le pays est l’ennemi juré de l’Iran, a redit sa détermination d’empêcher Téhéran de se doter de la bombe atomique.
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L’ayatollah Ali Khamenei, au pouvoir depuis 1989 en Iran, a interdit dans un décret religieux tout recours à l’arme atomique. « Il y a un débat en ce moment en Iran sur le fait que c’était peut-être une mauvaise politique », a déclaré M. Araghthi au Guardian. Si les Européens réimposent des sanctions à Téhéran, « ils auront alors convaincu tout le monde en Iran que, oui, cette doctrine est erronée », a-t-il insisté, se disant « pessimiste » quant àl’issue des discussions de Genève.
En 2015, l’Iran avait conclu à Vienne un accord avec la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Chine, la Russie et les Etats-Unis, pour encadrer son programme nucléaire. Le texte prévoyait en contrepartie un allégement des sanctions internationales contre Téhéran. Mais en 2018, Donald Trump a retiré unilatéralement son pays de l’accord – auquel se conformait Téhéran, selon l’AIEA – et rétabli de lourdes sanctions à l’encontre de l’Iran. En représailles, Téhéran a considérablement augmenté ses réserves d’uranium enrichi et porté le degré d’enrichissement à 60 %, proche des 90 % nécessaires à la fabricatio d’une arme atomique. L’accord sur le nucléaire de 2015, que des négociations ont échoué à ranimer et qui arrivera à échéance en octobre 2025, bloquait le taux d’enrichissement à 3,67 %.