Ça doit phosphorer sec, dans la tête des musiciens de l’Orchestre philharmonique d’Israël et de leur chef, Lahav Shani, depuis qu’ils sont jugés sur leur passeport israélien et non leur art universel. Déjà contestés ailleurs, en Europe ou aux Etats-Unis, ils ont vu leur concert interrompu à trois reprises, le 6 novembre, à la Philharmonie de Paris, par des militants lâchant des tracts dans la salle, brandissant des fumigènes ou criant pour dénoncer un « génocide » en Palestine.
Quoi que l’on pense de ces incidents, on peut déjà se demander à quoi rime un spectacle bunkérisé, avec des policiers au milieu des spectateurs. La question est posée aux artistes, au personnel, aux tutelles (l’Etat surtout, la Ville de Paris aussi) pour deux spectacles programmés dans les semaines qui viennent avec des musiciens israéliens – les maintenir ou les annuler ? Mais il est déjà probable que l’autocensure va galoper un peu plus vite dans les lieux culturels en Europe afin d’éviter les « emmerdes », comme nous confie un responsable de musée.
Une autre question surgit : les critères servant de boussole pour inviter – ou non – des artistes israéliens ou russes sont-ils en train de bouger ? On leur demande pour l’instant une forme de neutralité par rapport à leur pays. C’est ainsi que la seule figure culturelle russe à être aujourd’hui persona non grata en France est le chef d’orchestre Valery Gergiev, en raison de ses liens très forts avec Vladimir Poutine ; il s’est mis hors-jeu de lui-même. Sinon, il a suffi à la diva russe Anna Netrebko, un temps proche du Kremlin, de bredouiller quelques mots contre la guerre en Ukraine pour être à nouveau invitée à chanter en Europe – un indice parmi d’autres d’une certaine mansuétude envers la culture russe.
Mise à l’écart
C’est loin d’être aussi simple pour la culture made in Israël. Ainsi le pedigree de cet Orchestre philharmonique d’Israël et de son chef sont épluchés en Europe et aux Etats-Unis. Les éléments plaidant pour une invitation sont listés. La subvention de l’Etat est faible, autour de 12 %. Le pouvoir est dans les mains des musiciens, autogérés en coopérative. Ils ne sont pas tous israéliens, et pas tous juifs. Aucun n’aurait eu en public de mots en faveur du premier ministre Benyamin Nétanyahou.
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