Etrange réunion. Légèrement surréaliste. Ce lundi 9 septembre, à 17 h 30, la commission des finances de l’Assemblée nationale doit se réunir pour passer sur le gril Bruno Le Maire et Thomas Cazenave. Deux ministres démissionnaires, nommés par un premier ministre désormais parti, Gabriel Attal, mais qui continuent d’expédier les affaires courantes tant que Michel Barnier n’a pas formé son gouvernement. Et à répondre, donc, aux élus. Pour ajouter encore un peu de piquant, Thomas Cazenave, chargé des comptes publics, est lui-même député de la Gironde et membre de la commission décidée à l’entendre…
Avec ce curieux rendez-vous, le Parlement entre dans la danse budgétaire pour une phase qui s’annonce tout aussi inédite. Au point que, pour la première fois, les élus redoutent que la France ne se retrouve sans budget au 1er janvier 2025.
« Il existe toujours un risque que le grand n’importe quoi déferle sur la vie politique, admet Constance Le Grip, députée (Renaissance) des Hauts-de-Seine. Michel Barnier a cependant un grand sens des réalités, et le Parlement compte assez d’élus responsables pour former une majorité. Ce sera long et douloureux, mais on y arrivera. »
Calendrier très tendu
Alors que la procédure qui doit aboutir à l’adoption du budget de l’Etat est l’une des plus balisées qui soient, tout a déjà déraillé lors de la première étape, celle dont le gouvernement est maître. La dissolution puis les atermoiements d’Emmanuel Macron ont grippé la mécanique. Les arbitrages n’ont pas été rendus dans les délais. Les lettres plafonnant les crédits des ministères ont été envoyées avec un mois de retard. Quant au nouveau ministre de l’économie, qui est censé porter le projet de budget, il n’est pas encore nommé, alors que ce texte décisif est censé partir dès vendredi au Haut Conseil des finances publiques.
Durant cette première phase, le Parlement a été tenu à l’écart. Le gouvernement s’est assis sur la loi, qui lui impose de transmettre aux députés et aux sénateurs, avant le 15 juillet, une première ébauche du budget, côté dépenses. Il a fini, le 2 septembre, par leur fournir un document de synthèse, sans la même valeur juridique.
Le calendrier devenant très tendu, Matignon a même étudié la possibilité de décaler d’une semaine ou de quinze jours la présentation du budget à l’Assemblée nationale, fixée par la loi au premier mardi d’octobre. Juridiquement, un tel report semble possible tout en respectant la Constitution, selon le secrétariat général du gouvernement. Politiquement, cela paraît plus ardu. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques, s’y montre favorable. « Je plaide pour qu’un vrai projet de loi de finances, complet et détaillé, soit déposé, a indiqué le président de la Cour des comptes au Parisien, dimanche 8 septembre. Et s’il faut prendre quelques jours de plus, c’est possible. » Mais les sénateurs de la commission des finances disent l’inverse : « La date du 1er octobre doit être tenue. La situation budgétaire du pays est trop critique pour ajouter de l’incertitude à l’incertitude. »
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