Soixante-quinze ans après la signature de la Convention européenne des droits de l’homme, il n’est pas inutile de jeter un coup d’œil en arrière. D’abord pour rappeler le rôle fondamental que plusieurs grands juristes français ont joué dans son élaboration et sa mise en œuvre. René Cassin avait été, en 1948, rapporteur du projet de Déclaration universelle des droits de l’homme, dont la Convention européenne est une déclinaison au niveau régional. Il fut ensuite, pendant de nombreuses années, président de la Cour européenne des droits de l’homme établie à Strasbourg, qui interprète et applique la Convention.

Pierre-Henri Teitgen, qui lui a succédé comme juge de cette Cour, avait lui-même joué un rôle important dans l’élaboration de la Convention. Deux autres Français ont par la suite été élus par leurs pairs président de la Cour : Jean-Paul Costa, entre 2007 et 2011, et le président actuel, Mattias Guyomar.

Mais les liens entre la France et la Convention ne s’arrêtent évidemment pas là. La jurisprudence de la Cour de Strasbourg a imposé au droit français des évolutions qui paraissent aujourd’hui naturelles mais qui ne se seraient pas nécessairement produites spontanément. Il en est ainsi en matière de lutte contre les discriminations (au détriment, par exemple, des enfants nés hors mariage ou des personnes homosexuelles désireuses d’adopter un enfant), de respect de la vie privée (qui suppose notamment un encadrement des écoutes téléphoniques), de droits de la défense (qui impliquent le droit à l’assistance d’un avocat) ou de liberté d’expression. Avec un succès malheureusement fort réduit, elle a mis en cause à plusieurs reprises les conditions déplorables de détention dans les prisons françaises.

Liberté d’interprétation

Parfois, la Cour européenne des droits de l’homme a accompagné et consolidé, en l’accélérant, une évolution qui se faisait à pas comptés. Elle l’a fait en jugeant que le refus, pour une personne mariée, d’avoir des relations sexuelles avec son conjoint ne pouvait constituer une faute justifiant le prononcé du divorce. De même, la Cour de Strasbourg a fait évoluer la manière dont les juridictions françaises prennent en compte les circonstances de fait pour apprécier si la personne qui se plaint d’avoir subi un viol avait donné son consentement éclairé à la relation sexuelle qu’elle dénonce.

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