L’Etat de Grenade est le premier pays au monde à avoir actionné, en août, la clause dite « ouragan », qui suspend le remboursement de sa dette pendant quelques mois. Les prochaines échéances de novembre 2024 et mai 2025 vont ainsi être repoussées, pour un total de 12,5 millions de dollars (11,3 millions d’euros). Ce petit pays des Caraïbes, à 150 kilomètres au nord des côtes du Venezuela, a été balayé par un puissant cyclone au début du mois de juillet. Avec des rafales de vent à 240 km/h, l’ouragan Beryl a brisé des bateaux de pêche, coupé l’eau potable, détruit des lignes électriques et tué un habitant. Jamais un ouragan aussi puissant ne s’était formé aussi tôt dans l’année dans cette région. En quelques heures, l’équivalent du tiers du PIB annuel de la Grenade a été détruit. Avec la hausse des températures et du niveau de la mer, de tels cyclones tropicaux seront plus nombreux et plus puissants, avec des conséquences économiques dévastatrices et le risque d’un endettement sans fin.
En visite à la Grenade, Simon Stiell, le patron de l’ONU Climat, s’est inquiété du sort de ces « Etats pris dans le cercle infernal de la dette, qui empruntent pour reconstruire jusqu’à la nouvelle catastrophe climatique, sont contraints d’emprunter encore et encore pour reconstruire leurs infrastructures endommagées, et de détourner leurs ressources consacrées à l’éducation, aux soins de santé et à leur développement ». Lui-même est originaire de la petite île de Carriacou, à la Grenade, où 95 % des maisons ont été détruites. Le Fonds monétaire international a calculé qu’une catastrophe sur dix entraînait, dans les petits pays, des destructions équivalentes à au moins 30 % de leur PIB annuel, contre seulement une sur cent dans les plus grands pays.
Alors que de nombreux pays en développement sont à la fois victimes du réchauffement climatique et étouffés par le poids de leur dette, cette clause « ouragan » mériterait donc d’être généralisée. Celle-ci suspend automatiquement le remboursement d’une obligation ou d’un emprunt, c’est-à-dire qu’elle permet d’éviter de longues et coûteuses négociations de restructuration. Ce faisant, elle libère aussi les ressources nécessaires à la reconstruction de l’économie au moment où le pays en a le plus besoin. Cette clause n’efface aucune dette : elle donne juste un peu d’air – et de temps – au pays pour pouvoir la rembourser, tout en répartissant plus justement le risque entre l’emprunteur et l’investisseur.
Transfert de risque
L’Etat de Grenade en avait fait la demande à ses créanciers en 2015, en pleine renégociation de sa dette, car elle ne parvenait plus à la rembourser, incapable de se relever après le passage du cyclone tropical Ivan, en 2004, qui lui avait coûté l’équivalent du double de son PIB annuel. Seule la Barbade l’a aussi adoptée. D’autres pays seraient bien inspirés de s’y intéresser. La Banque mondiale propose désormais à certains de ses pays créanciers une pause de remboursement de deux ans en cas de catastrophe naturelle.
Il vous reste 26.67% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.