Sept patients accueillis, dix sortis, deux en attente d’un lit d’hospitalisation près de chez eux… Le temps d’une pause dans son bureau, le 30 juillet, peu après 10 heures, et après la réunion avec l’équipe de garde, la psychiatre Nadia Cheffi tient les comptes. Une arithmétique quotidienne qui, explique-t-elle, est le reflet du « turnover vertueux » instauré au sein du Centre renforcé d’urgences psychiatrie (CRUP). Cette nouvelle unité, dont la jeune médecin est responsable depuis dix mois, est adossée aux urgences de l’hôpital Delafontaine de Saint-Denis, même si elle relève de l’établissement public de santé de Ville-Evrard, l’hôpital psychiatrique du secteur, à Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis).
« Notre objectif est de sortir au plus vite des urgences les “patients psy” qui y arrivent en crise aiguë et qui risquent de s’enfoncer, pour leur faire une place dans l’un de nos quinze lits, explique-t-elle, les évaluer et commencer à les traiter rapidement, avant de les réintégrer dans un parcours de soins, en ville ou en milieu hospitalier, relevant de leur secteur. » Le tout dans un délai maximum de soixante-douze heures. Parfois moins : la durée moyenne de prise en charge pour les 1 500 patients passés par le CRUP, depuis son ouverture en septembre 2023, est de trente-six heures. Autre résultat encourageant : un retour à domicile a pu être organisé pour un quart de ces patients, avec un suivi en ambulatoire.
Symboles de la crise de l’hôpital, exacerbée durant la période estivale, les « patients brancards » qui engorgent les services des urgences sont aussi la conséquence des tensions sur l’offre de soins en psychiatrie. Avec des personnes souffrant de troubles psychiques qui constituent, bien souvent, une grande difficulté pour des services des urgences, démunis pour les prendre en charge. Le suicide d’un patient aux urgences psychiatriques de l’hôpital Purpan (CHU de Toulouse), le 14 février, après dix jours sur un brancard, avait provoqué l’émoi chez les soignants.
« Frapper vite, frapper fort, pour ne pas laisser la crise s’aggraver » : c’est un peu la philosophie de Fayçal Mouaffak, chef du pôle psychiatrie de Ville-Evrard, qui a défendu le projet de CRUP pendant dix ans avant qu’il ne soit inauguré. Son fil rouge : accueillir les patients dans des « conditions dignes », et permettre à son équipe (trois médecins, seize infirmiers, cinq aides-soignantes) de faire « dignement » son travail, martèle-t-il, en limitant les mesures coercitives et en s’extrayant de la « temporalité des urgences ».
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