Livre. Voilà sans doute la plus haletante des séries. Une passion française où se joue l’avenir du pays, une fièvre démocratique qui éclipse toutes les autres, un feuilleton qui redessine à chaque fois le paysage politique, un spectacle auquel sont suspendus des millions de Français. Soixante ans après la première élection présidentielle, Gérard Courtois, éminent journaliste politique, ancien directeur de la rédaction du Monde, fait revivre La Saga des élections présidentielles (Perrin, 464 pages, 25 euros).
Pour la première fois depuis l’instauration du suffrage universel direct, en 1962, les Français sont appelés, en décembre 1965, à élire le président de la République. Jusqu’ici chargé d’inaugurer les chrysanthèmes, celui-ci a vocation à devenir « la clé de voûte qui couvre et soude l’édifice de nos institutions », décrète le général de Gaulle.
Cette première campagne présidentielle crée la surprise : l’homme du 18-Juin est mis en ballottage par François Mitterrand, à l’époque qualifié de « Petite chose » par la revue Les Temps modernes, de Jean-Paul Sartre. Gérard Courtois rapporte la superbe joute qui oppose les deux finalistes, quelques jours avant le second tour.
Suffrage universel direct
« La France, c’est tout à la fois, c’est tous les Français. C’est pas la gauche, la France ! C’est pas la droite, la France ! », déclare le Général, comparant l’élection avec « ce qui se passe dans une maison : la maîtresse de maison, la ménagère, veut avoir un aspirateur, elle veut avoir un frigidaire, une machine à laver et même, si c’est possible, une auto : c’est le mouvement. Et, en même temps, elle ne veut pas que son mari aille bambocher de toute part, que les garçons mettent les pieds sur la table et que les filles ne rentrent pas la nuit : c’est ça, l’ordre (…). Eh bien, c’est vrai aussi pour la France ! Il faut le progrès, mais il ne faut pas la pagaille. Or le régime des partis, c’est la pagaille ».
Deux jours plus tard, François Mitterrand réplique, cinglant : « Comment choisir un président de la République ? Si j’entends bien le général de Gaulle, il ne faut le choisir ni à droite, ni à gauche, ni au centre. Alors je cherche en vain. Faudra-t-il donc le recruter dans la maison royale, ou dans la maison Rothschild, ou au Jockey Club ? Faudra-t-il nier qu’il existe depuis toujours dans notre République des familles d’esprit ? Faudra-t-il nier qu’il existe dans notre politique des catégories sociales, des besoins, des intérêts, des doctrines ? Le rôle du chef de l’Etat tel qu’il est pratiqué par le général de Gaulle ne correspond à aucune tradition républicaine. »
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