Parmi les nombreux périls que les crises climatique et environnementale font peser sur la planète, la concentration accrue de sel dans les eaux et les sols est un défi encore largement sous-estimé. Les impacts de la salinisation se multiplient pourtant sur tous les continents : en 2023, les habitants de La Nouvelle-Orléans, aux Etats-Unis, ont été exposés à une eau du robinet salée en raison de la sécheresse du fleuve Mississippi ; en France, des viticulteurs de Petite Camargue ont vu leurs pieds de vigne succomber aux assauts du sel ; et, en Ouzbékistan, les récoltes de coton ont fondu de plus de 15 % en 2024 à cause des dépôts salins sur les sols.
Alors que la dégradation des terres figure au programme de la 16e conférence des parties (COP) de lutte contre la désertification, qui se tient jusqu’au 13 décembre en Arabie saoudite, une étude, publiée mercredi 11 décembre, évalue, pour la première fois depuis cinquante ans, l’étendue mondiale de la salinisation. Selon cette estimation, pilotée par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 1,3 milliard d’hectares de terres sont affectées par le sel, soit 10,7 % de la superficie totale des terres.
Si cette évaluation ne peut être comparée aux précédentes données, qui remontent aux années 1970 et s’appuyaient sur des méthodologies très différentes, les experts s’accordent néanmoins sur le fait que le phénomène croît et qu’il nécessite des actions d’ampleur pour réduire la salinisation induite par les activités humaines et mieux s’adapter à cette nouvelle donne.
Les sols salins, qui affichent un excès de concentration en sels solubles, et sodiques (excès de sodium) sont de natures très variées. Une partie du phénomène est liée au cycle naturel du sel, à l’origine de paysages tels que les mangroves, les zones humides, les lacs salés… Autant d’écosystèmes qui abritent une biodiversité unique, adaptée à ces conditions de vie et qu’il est nécessaire de protéger. « Certains de ces milieux sont protégés par la convention internationale Ramsar sur les zones humides, mais c’est loin d’être le cas pour tous, notamment pour ceux situés à l’intérieur des terres », souligne Natalia Rodriguez Eugenio, responsable terres et eaux du partenariat mondial pour les sols de la FAO.
Mais de plus en plus, l’écoulement naturel du sel est perturbé par le réchauffement climatique, qui tarit la ressource en eau, augmente la concentration en sels dans certains territoires et fait grimper le niveau des mers, favorisant les intrusions d’eau salée. « Le réchauffement climatique a un impact direct par le biais de l’aridification et l’évapotranspiration, et les scénarios convergent sur le fait que la salinisation va s’accentuer mais on n’est pas encore en mesure de faire des projections précises quant à la part des terres qui seront affectées à terme », indique Natalia Rodriguez Eugenio.
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