A quel jeu les professionnels de la culture jouent-ils en décidant de fixer le prix d’entrée dans les grands musées et monuments de France selon la provenance du visiteur, en majorant les tarifs lorsqu’il s’agit de visiteurs extra-européens ? Et ce, alors même que le président Trump, dans un effet de miroir saisissant, choisit de tripler le prix d’accès aux grands parcs nationaux pour les visiteurs étrangers. Musées français et MAGA, même combat ?
Les musées français sont aujourd’hui face à une alternative : soit ils se définissent comme les dépositaires des œuvres universelles qu’ils exposent et détiennent, et doivent alors y donner un accès universel ; soit ils se considèrent propriétaires de ces œuvres, et ils peuvent dès lors s’autoriser à en réguler l’accès comme bon leur semble, y compris par des discriminations sociales ou géographiques.
La conception propriétariste a sa cohérence et se présente sous deux formes. Il y a celle dont les autorités françaises de la culture prennent actuellement la voie, qui consiste à différencier les publics, en offrant un accès privilégié à des « proches ». Sur ce point, la définition de cette proximité est instructive, et trahit une persistance de la mémoire coloniale qui a longtemps contribué à définir les frontières de l’Occident. La seconde forme, qui n’est que la figure en miroir de la première, consiste à revendiquer la propriété d’œuvres exposées ailleurs que chez soi, et d’en réclamer la restitution.
Dans les deux cas, ce sont les symptômes d’un grand retour, comme ailleurs dans le monde, d’un nationalisme décomplexé. En d’autres termes, la fin d’un monde dans lequel l’idée même de monde existe, et qui retourne à l’état précédent, celui d’un agglomérat d’Etats, de nations, de territoires.
Nous avions vu les prémices d’une évolution lors du Covid-19, alors que le monde commun menaçait de se fracturer. Nous avions compris alors que les solutions d’échelle mondiale sont les seules à être réellement efficaces face aux menaces qui ne connaissent pas de frontières. Aujourd’hui pourtant, cette leçon semble avoir été oubliée, et partout dans le monde, la tentation du repli et de l’isolationnisme gagne du terrain.
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