Etre un pathogène prospère n’est pas à la portée du premier microbe venu : chacun possède des mécanismes propres lui permettant de coloniser son hôte et d’en exploiter les ressources, au moyen d’interactions moléculaires. Identifier ces interactions est primordial pour comprendre comment une infection conduit à une maladie donnée, et ainsi concevoir des traitements capables de les contrer. C’est ce qu’a entrepris un consortium de chercheurs américains, dont les résultats sont parus le 25 juillet dans la revue Cell, par le recensement à grande échelle des interactions entre dix-neuf espèces de microbes pathogènes et une banque aussi complète que possible de protéines humaines extracellulaires.
La plate-forme de criblage qu’ils ont développée repose sur une collection de levures de bière modifiées génétiquement de sorte à produire et exposer à leur surface une panoplie de 3 324 protéines humaines. Chaque levure de la banque ainsi constituée porte par ailleurs dans son ADN un code-barres génétique unique, qui lui sert d’identifiant et indique avec précision quelle protéine humaine elle produit.
Le crible consiste à mettre en contact cette banque de levures avec différents microorganismes pathogènes, parmi lesquels l’agent causal du paludisme et celui de la maladie de Lyme, cultivées dans diverses conditions de température et de salinité représentatives de leurs milieux de vie – l’environnement, le tube digestif de moustiques ou de tiques, ou l’organisme humain. Les microorganismes se lient alors aux levures qui produisent des protéines humaines avec lesquelles ils interagissent, et pas aux autres.
Bloquer les liaisons
Les pathogènes ont par ailleurs été « greffés » chimiquement à leur surface avec une vitamine, la biotine. Pour récupérer les associations entre levures et microorganismes, on ajoute à chaque échantillon des microbilles aimantées liées à une molécule qui attire fortement la biotine ; elles viennent se coller aux microbes greffés. On plonge ensuite une pointe aimantée dans le mélange pour pêcher les microbilles recouvertes de l’un des pathogènes, et avec lui les protéines humaines auxquelles il est lié, et donc les levures qui les portent. On séquence enfin les codes-barres génétiques des levures associées à chaque microorganisme, ce qui révèle l’identité des protéines humaines avec lesquelles il interagit.
Le crible a mis au jour 1 303 interactions potentielles des quelque 38 souches de microorganismes testées, avec des protéines humaines de natures variées : des molécules de la surface cellulaire qui pourraient servir d’ancrage aux pathogènes ou favoriser leur entrée dans les cellules ; des cytokines impliquées dans la réponse immunitaire, etc. Chacune de ces interactions pourra faire l’objet d’une caractérisation approfondie dans le but de comprendre comment elle contribue au processus pathologique ou à la défense immunitaire. Dans une perspective thérapeutique, on pourra aussi rechercher des traitements capables de bloquer ces liaisons.
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