Notre-Dame de Paris entrevoit la lumière au bout d’un chantier pharaonique, avec une réouverture annoncée les 7 et 8 décembre. Le chemin restant s’annonce de grâce pour la cathédrale, ce qui est assez logique quand on a disposé de 840 millions d’euros de dons ; c’est presque trop. Sauf que si les polémiques se sont éteintes les unes après les autres, il en demeure une, comme la France les aime : faut-il installer des vitraux contemporains dans six des sept chapelles du bas-côté sud ?

Emmanuel Macron le veut, lui qui a fait de la reconstruction de la cathédrale une affaire personnelle. Le président de la République a longtemps rêvé d’un « geste architectural » – une flèche en titane, une charpente en béton, un toit fluorescent ou végétalisé… Il a dû se résoudre à une reconstruction à « l’identique ». Cela manque de brio mais c’est plus facile pour tenir le délai de cinq ans, qu’il a imposé afin d’accueillir au plus vite les quinze millions de visiteurs annoncés chaque année.

Le geste contemporain à Notre-Dame se résume désormais à la commande, conséquente, de 180 mètres carrés de vitraux, dont les lauréats – un artiste associé à un maître verrier – seront choisis en novembre. La décision appartient à l’Etat propriétaire, ce qui signifie à M. Macron. Il faut nuancer ce « fait du prince », l’archevêque de Paris, Laurent Ulrich, et l’Eglise en général désirant tout aussi ardemment cette intrusion contemporaine dans des murs du XIIsiècle.

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Mais voilà que le fier attelage entre l’Etat et l’Eglise est sérieusement bousculé. Quoi qu’on en dise, il ne s’agit pas d’une bataille entre anciens et modernes. Plus personne en dehors de quelques cercles « ultra tradi » n’est offusqué par les 104 vitraux, d’un noir et blanc dépouillé, conçus en 1994 par Pierre Soulages dans l’abbatiale Sainte-Foy de Conques (Aveyron). Avouons un faible pour ceux, de rouge et de plomb, réalisés en 1997 par Aurélie Nemours au prieuré de Salagon, dans les Alpes-de-Haute-Provence. On pourrait en citer des dizaines d’autres, tout aussi respectables. Il serait par ailleurs stupide d’adopter un niet de principe à Notre-Dame, où 92 % des vitraux datent déjà des XVIIe, XIXe et XXe siècles.

Arguments de bon sens

Le problème de cette cathédrale est que les six chapelles convoitées sont déjà occupées. Leur auteur, Viollet-le-Duc (1814-1879), n’est pas n’importe qui et a piloté, au XIXe siècle, la rénovation de l’ensemble du bâtiment. En prime, il a donc ajouté des vitraux simples, géométriques et colorés. Cette neutralité cadre mal avec un architecte aux interventions néogothiques bien trempées. Il n’en fallait pas plus aux artisans de la commande d’art pour dire que Viollet-le-Duc n’a pas fait œuvre avec un damier abstrait propre à être remplacé.

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