Le droit international est-il une variable d’ajustement diplomatique ? La question mérite d’être posée à la France après l’annonce du Quai d’Orsay selon laquelle le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, cible d’un mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI), bénéficierait d’une immunité s’il posait le pied sur le territoire français, conformément à un article du statut de Rome, en tant que responsable d’un pays qui n’en est pas partie.

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Cette disposition, qui vaut de facto pour Vladimir Poutine, visé par une procédure similaire, n’avait pas été évoquée par la diplomatie française lorsque la CPI avait mis en cause le maître du Kremlin dans le contexte de sa guerre d’agression contre l’Ukraine. Il est difficile de ne pas mettre en relation cette annonce, qui affaiblit considérablement la portée d’un mandat d’arrêt pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, avec la volonté française de jouer un rôle conforme à son histoire au Liban, après le cessez-le-feu laborieusement conclu sous l’égide des Etats-Unis entre Israël et la milice chiite du Hezbollah libanais.

Alors que les relations entre le premier ministre israélien et le président français peuvent être qualifiées, au mieux, de glaciales, la France donne l’impression de céder sous la pression et sur les principes. Sans doute les Libanais ont-ils ardemment souhaité que Paris siège au sein du comité de supervision du cessez-le-feu pour éviter une trop grande marginalisation face à l’axe qui lie étroitement l’Etat hébreu et les Etats-Unis. La France peut également faire valoir que le mandat d’arrêt qui vise également l’ex-ministre de la défense israélien Yoav Gallant ne peut être concerné par cette immunité, et que cette dernière disparaîtra dès lors que Benyamin Nétanyahou aura quitté ses fonctions.

Violations du droit humanitaire

Ces calculs doivent pourtant être mis en regard avec leur effet délétère sur le droit international dont l’ambition initiale était de faire en sorte que tout dirigeant soit tenu de rendre des comptes. Le mandat d’arrêt visant le premier ministre israélien concerne la guerre conduite par Israël dans la bande de Gaza après les massacres sans précédent de civils israéliens commis au cours de l’opération terroriste du Hamas, le 7 octobre 2023. En dépit du huis clos imposé par l’Etat hébreu sur l’étroite bande de terre, les éléments ne manquent pas qui accréditent les accusations de violations systématiques du droit humanitaire par l’armée israélienne.

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Ce désarmement préventif de la procédure du mandat d’arrêt peut être interprété par Israël comme une sorte de blanc-seing pour la poursuite de la guerre à Gaza, rendant de nouveau illusoire la perspective d’un cessez-le-feu pourtant plus urgent que jamais. Celui-ci mettrait un terme aux souffrances des civils palestiniens tout en permettant la libération des derniers otages israéliens qui y sont encore retenus. Il ne fait plus de doute, hélas, que, sous la pression de l’extrême droite suprémaciste et messianique représentée dans la coalition au pouvoir en Israël, ces deux objectifs ne sont pas considérés comme des priorités.

En se prêtant à ce troc peu glorieux, qui relativise la sincérité de déclarations passées en faveur de la justice internationale, la France paie un prix élevé en matière d’image pour un résultat incertain.

Le Monde

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