Le procès de Dominique P., retraité accusé d’avoir drogué son épouse et recruté des dizaines d’inconnus pour la violer, pendant dix ans, s’est ouvert, lundi 2 septembre, à Avignon et se tiendra en public, la demande de huis clos, de l’accusation notamment, ayant été rejetée.
« Les débats seront publics », a annoncé Roger Arata, président de la cour criminelle de Vaucluse, composée de cinq magistrats professionnels, après une suspension de séance d’une trentaine de minutes.
Via l’un de ses avocats, Me Stéphane Babonneau, la principale victime, Gisèle P., 72 ans, cheveux roux coupés au carré, avait fait savoir qu’elle souhaitait « une publicité complète, totale, jusqu’au bout ». Comme elle, les trois enfants du couple, tous parties civiles, ont également souhaité la publicité des audiences.
Le ministère public avait, lui, argumenté pour le huis clos, rappelant que des vidéos des faits, filmés par le mari, seraient « nécessairement visionnées » et que « non seulement la publicité des débats serait dangereuse mais [elle] porterait aussi atteinte à la dignité des personnes ». « Il ne faut pas que ce soit un spectacle », avaient également demandé certains avocats de la défense.
Le procès, rarissime par le nombre total d’accusés, 51, âgés de 26 à 74 ans, va donc se dérouler en présence du public et de la presse, pendant quatre mois, jusqu’au 20 décembre. Des accusés qui ont un à un décliné leur identité, profession et lieu de résidence lundi matin face à la cour.
Question de la soumission chimique
« Mon domicile, vous le connaissez, c’est la prison », a ainsi répondu Dominique P., 71 ans, le mari et principal accusé, un brin provocateur. Homme robuste, cheveux blancs, vêtu d’un t-shirt noir, il ne portait pas de masque anti-Covid, contrairement à d’autres accusés, dont trente-trois comparaissent libres.
Emblématique de la question de la soumission chimique, ce procès a donné lieu avant même son ouverture, lundi matin, à la manifestation d’une quinzaine de membres de deux collectifs féministes, Les Amazones d’Avignon et Osez le féminisme 84, devant le palais de justice d’Avignon. « Violeurs, on vous voit, victimes, on vous croit », scandaient-elles, habillées de noir.
« C’est un procès hors norme », a affirmé, de son côté, l’avocat de deux accusés, Roland Marmillot, car les faits « s’inscrivent dans une anormalité mentale » du mari, mais aussi car celui-ci « veut emmener avec lui dans sa folie cinquante accusés ».
Lors de l’instruction, le mari avait reconnu que, certains soirs, il administrait de puissants anxiolytiques à sa femme, à son insu. Du Temesta le plus souvent. Pour ensuite la faire violer par des hommes contactés sur Internet. Il a daté les premiers faits de 2011, quand le couple vivait encore en région parisienne, puis ceux-ci se sont poursuivis jusqu’à l’automne 2020, après leur déménagement à Mazan en 2013.
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« Il a honte de ce qu’il a fait, c’est impardonnable », a plaidé auprès de la presse lundi matin son avocate, Me Béatrice Zavarro, estimant qu’on est dans ce dossier « dans une forme d’addiction » : « La ligne de conduite de mon client, c’est qu’il reconnaît ce qu’il a fait et il n’y a pas eu une once de contestation depuis le début. »
Sentiment de « toute-puissance » sur le corps féminin
Pompier, artisan, infirmier, gardien de prison ou encore journaliste ; célibataires, mariés ou divorcés : la majorité des accusés sont venus une fois, dix plusieurs fois, jusqu’à six fois parfois. Ils ne souffrent d’aucune pathologie psychique notable, selon des experts, qui ont toutefois pointé leur sentiment de « toute-puissance » sur le corps féminin.
Beaucoup maintiennent encore qu’ils pensaient seulement participer aux fantasmes d’un couple libertin. Mais « tous savaient » que Gisèle P. était droguée et inconsciente, a toujours affirmé le mari. Pour l’instruction, « chaque individu disposait de son libre arbitre » et aurait pu « quitter les lieux ».
Pour les hommes, recrutés sur coco.gg, un site de rencontres accusé d’être un « repaire de prédateurs sexuels » et fermé depuis juin, les consignes étaient strictes, pour ne pas réveiller la victime : ni parfum ni odeur de cigarette, et se réchauffer les mains en les passant sous l’eau chaude.
Gisèle P. ne s’est rendu compte de rien, jusqu’à tout découvrir, à 68 ans, lorsque l’enquête a débuté à l’automne 2020, après presque cinquante ans de vie commune : son mari venait d’être surpris dans un centre commercial en train de filmer sous les jupes de clientes. Pour elle, le procès sera « une épreuve absolument terrible », avait confié Me Antoine Camus, un de ses avocats. Elle « va vivre pour la première fois, en différé, les viols qu’elle a subis pendant dix ans », car elle n’en a « aucun souvenir ». Dominique P., qui participait aux viols et les filmait, ne réclamait aucune contrepartie financière.
Il est également mis en cause par le pôle « cold cases » de Nanterre, en région parisienne, dans deux autres dossiers : un meurtre avec viol à Paris en 1991, qu’il nie, et une tentative de viol en Seine-et-Marne en 1999, qu’il reconnaît, après avoir été confondu par son ADN.